Quand George Marcus n'était pas encore une légende du basket

Avant de partir en NBA, l’un des plus grands joueurs de tous les temps a disputé, et dominé, des matchs semi-professionnels sous une fausse identité.

Son nom ne vous dit probablement rien. Entre ses 16 et 17 ans, George Marcus a dominé le basket semi-professionnel en Pennsylvanie. Suite à cette courte période, il est parti à l’université de Kansas en NCAA, puis chez les Harlem Globetrotters avant de rejoindre la NBA pour y devenir le plus grand rival de Bill Russell. Oui, vous l’aurez compris, George Marcus n’est ni plus ni moins que Wilt Chamberlain. Cette histoire était tombée probablement volontairement dans l’oubli avant d’être remise à la lumière du jour il y a quelques années par la personne derrière la chaine Youtube Wilt Chamberlain Archives.

 

Elle vient là rejoindre le paquet de mythes et d’histoires toutes plus folles les unes que les autres qui entourent The Big Deeper. Alors qu’il n’est que lycéen, Wilt Chamberlain fait déjà de plus en plus parler de lui. Athlète complet de très grande taille, il commence tout juste à faire fantasmer la NCAA. Mais les règles sont assez strictes comme ça : pas de basket professionnel autorisé avant d’avoir fini son cursus universitaire. Une autre époque, une autre mentalité qui frustre probablement fortement Chamberlain qui prend déjà conscience de son incroyable talent pour la balle orange. Mais il y a un point important : A l’époque la Pennsylvania Athletic Association n’avait pas de juridiction sur les écoles municipales et donc techniquement, bien que ce ne soit pas bien vu par la grande NCAA, Wilt pouvait jouer professionnellement sans perdre son éligibilité à l’université. Wilt the Stilt l’a bien compris et va donc prendre le risque de jouer quitte à déplaire. Alors qu’il n’est encore qu’au lycée à l’Overbrook High School de Philadelphie, il décide donc de rejoindre les Pittsburgh Raiders à 16 ans, puis les Quakertown Fays l’année suivante. Mais pas question d’attirer l’attention, donc pendant plusieurs rencontres il utilisera l’identité de George Marcus pour jouer. A noter aussi qu’apparemment les Raiders portaient le nom de la ville de Pittsburgh mais jouaient leurs matchs à Philadelphie puisque la plupart des joueurs vivaient de là-bas; rien n’est jamais clair dans les histoires de Wilt Chamberlain, c’est sûrement ce qui participe à sa légende.

 

Dans la Big Nine Conference, une ligue semi-professionnelle de Pennsylvanie, Wilt prendra déjà l’habitude d’aligner des statistiques stratosphériques avec une moyenne à 40,5 points par match selon plusieurs archives de journaux locaux. A noter cependant que les archives ne sont pas toutes concordantes sur les moyennes, mais les chiffres sont dans tous les cas lunaires avec plus de 40 points par match. Si les statistiques ressemblaient à ce que Wilt allait faire en NBA, la concurrence n’était en revanche pas du tout du même niveau. Il s’agissait là d’une ligue mineure régionale, comme on en trouve partout aux Etats-Unis et dans tous les sports, bien loin d’un niveau professionnel digne de ce nom et ces statistiques hallucinantes sont donc bien à prendre avec du recul. Ramené au basket actuel, ce serait comme placer le LeBron James des années lycée chez les Akron Aviators de l’American Basketball Association actuelle et le voir enchainer des soirées en 25-10-10. D’après un journal de l’époque, l’équivalent donné serait une équipe composée de 70% de joueurs universitaires ou d’anciens joueurs universitaires.

 

En revanche, si cette histoire n’est pas forcément incroyable par le niveau de jeu basketballistique, elle l’est dans le fait qu’encore une fois Wilt Chamberlain n’aurait pas fait comme tout le monde et qu’il aurait finalement détourné les règles à son avantage dès son plus jeune âge. Et si nous utilisons le conditionnel, c’est bien évidemment parce que le flou autour de cette histoire est encore un peu là. Car pour le seul match de sa période Raiders dont on retrouve trace, qui est une rencontre face aux Old Town Germans où il a scoré 44 des 72 points de son équipe, seulement 191 personnes sont venues dans la salle ce jour-là. C'est le seul match dont on retrouve son nom de George Marcus et, si la description physique et de domination correspond bien au Stilt, on peut noter que si c'était bien lui alors le stratagème était bien ficelé puisque l'article en question dit que Marcus était un ancien joueur de l'université de Western Maryland. Difficile de comprendre réellement pourquoi Chamberlain a dû devoir utiliser une fausse identité puisque lors sa saison chez les Fays, plusieurs boxscores et articles parlent bien de Wilt Chamberlain et non pas de George Marcus.

 

Bien qu’en jouant il ne dérogeait à aucune règle en soit, ceci ne lui a pas empêché d’avoir quelques problèmes auprès de la NCAA quant à son éligibilité. En 1956 Henry Hensel, alors président du comité olympique de basket, entend parler de ce fameux match face aux Germans et le rapporte auprès de la NCAA. Chamberlain démentira et l’affaire sera classée sans suite. Ce ne sera que quelques années plus tard, dans son livre, que Chamberlain avouera avoir joué pour les Raiders ou les Fays. Mais selon lui il était loin d’être le seul lycéen à en faire ainsi et disait qu’il était difficile d’appeler ça des matchs professionnels tant les montants reçus étaient dérisoires.