Jay Williams, saleté de moto

Jay Williams, saleté de moto

Juste derrière Yao Ming à la draft 2002, Jay Williams arrivait comme une bénédiction à Chicago après un parcours exemplaire à Duke. Moins d'un an plus tard, un bête accident de moto allait tout foutre en l'air.

Ni Jason Williams, le passeur entertainer, ni Jayson Williams, l'ancien intérieur des Nets depuis passé par la casse prison, Jason « Jay » Williams est sans doute l'un des plus gros gâchis vus dans l’histoire récente de la NBA. Souvent oublié du public, voire complètement inconnu si vous suivez la ligue depuis moins de dix ans, le meneur sélectionné en deuxième position de la draft 2002, était avec Elton Brand le premier vrai espoir des Bulls depuis le départ de Jordan. Autant que le potentiel du joueur, il faut aussi se rappeler que Chicago vivait une gueule de bois depuis quatre ans (66 victoires en 296 matchs, quatre fois dernier de la Conférence Est).

  • Une salle de trophées en guise de bagage

Après son cursus universitaire, le CV de Jay est tellement garni qu'il peut faire saliver toute franchise qui n'a pas en tête un géant chinois. Pensionnaire de Duke, il commence son parcours très fort avec une saison très complète (14.5 points, 4.2 rebonds, 6.5 passes) pour laquelle il est élu freshman de l'année par The Sporting News.

Sa deuxième année est simplement parfaite : avec Shane Battier et Carlos Boozer, il mène les Blue Devils jusqu'au titre NCAA, est meilleur marqueur du tournoi final (25.7 points de moyenne !), bat le record de points de l'université sur une saison, et se place deuxième meilleur passeur du pays tout en étant une véritable machine à trois points (3.4 tirs marqués par matchs avec 42.7 % d'adresse. Il est logiquement choisi par la sélection All-American, et apparaît alors que le meilleur basketteur du circuit. Il lui reste maintenant à le confirmer.

Duke écrase à nouveau la concurrence (29-3) et part à nouveau favori pour le titre. Si l'aventure s'arrête au Sweet Sixteen face à Indiana, Jay Williams finit à nouveau meilleur marqueur de la conférence, et reçoit toutes les accolades possibles : le Naismith Award, le Wooden Award... pas moins de six récompenses de joueur de l'année.

En juin 2002, Jay a clairement l'étoffe d'un franchise player, à la fois chef d'orchestre et scoreur avec un arsenal varié et une très bonne adresse. Chicago a le deuxième ticket de la draft, après Houston qui veut Yao Ming, et va logiquement accueillir le Blue Devil dans l'Illinois.

 

Williams débarque chez les Bulls après avoir passé ses vacances d'été à Indianapolis avec l'équipe américaine pour les championnats du monde. Les stars NBA se font traumatiser chez elles, éliminées en quart de finale par la Yougoslavie, mais le rookie vient quand même de vivre une belle expérience. Maintenant, il faut trouver sa place chez les pros.

 

Le départ est plus qu'encourageant avec un joli triple-double face aux Nets début novembre, mais le nouveau meneur fait preuve de beaucoup trop d'inconstance, notamment aux tirs. Jamal Crawford, en poste sur le même spot depuis deux ans, n'est pas là pour faire de la figuration et grappille au fur et à mesure le temps de jeu du numéro 22. Le rendement offensif de Williams est carrément négatif (-0.5 offensive win shares), et il n'arrive pas à trouver sa place dans un système qui tourne principalement autour de Jalen Rose. Il faut dire que la position de point guard n'est pas vraiment la spécialité de la maison Bulls. En une seule saison plutôt moyenne, Jay réalise plus de passes que n'importe quel autre meneur depuis John Paxson en 1986-87.

Si l'hiver est difficile, des signes d'amélioration apparaissent lors des dernières semaines de compétition. L'entrée en matière est approximative mais suffisamment encourageante pour une place dans le deuxième cinq All-Rookie. Il est temps d'effectuer quelques réglages et d'ajouter des pions à l'échiquier.

  • Une blessure non professionnelle

Puis à quelques jours de la draft 2003 où Chicago peut choisir quelles pièces vont s'ajouter à son effectif en pleine renaissance, Jay fait une connerie. Une grosse. Alors que son contrat avec les Bulls le lui interdit, il décide de faire un tour en moto, le tout sans casque et sans permis. Une provocation qu'il va payer cash en percutant un feu tricolore. Au final, un bassin fracturé et trois déplacements des ligaments du genou gauche. On ne sait pas quand Williams pourra rejouer, ni s'il en est capable. L'inconscience d'un gamin de 21 ans vient de l'auto-détruire, et de remettre en cause les plans de son employeur. Une semaine plus tard, les Bulls engagent Kirk Hinrich qui va rapidement le capitaine de l'équipe et jouer un rôle majeur pour remettre la franchise sur le devant de la scène.

Jay a trahi ses hôtes et n'est plus dans les plans du front office. Pire, il n'est pas payé puisqu'il n'a pas respecté son contrat. Il veut revenir mais la blessure traîne et le licenciement finit par avoir lieu en février 2004. Beaux joueurs, les Bulls le dédommagent de trois millions de dollars pour sa rééducation.

 

Quelque part, on se dit que les champions de Duke sont maudits : Bobby Hurley, meneur et double champion NCAA en 1991 et 1992, meilleur joueur du dernier Final Four, s'était gravement blessé lors de sa première saison NBA dans un accident de voiture où il ne portait pas de ceinture. Il était revenu l'année suivante mais sa carrière n'aura duré que quatre ans à cause de cet événement. Williams aura beau essayé lui aussi, mais en vain.

Il se promet de retrouver les parquets et reçoit même une proposition des Nets en septembre 2007, le temps d'un test de pré-saison qui tourne court. Son corps est trop fragile, manque de pratique, et la ligue est passée à autre chose. Chicago a eu Hinrich, Ben Gordon, et bientôt Derrick Rose.

 

Aurait-il pu mener les Bulls au moins vers les play-offs ? Serait-il devenu un des meilleurs poste 1 de sa génération ? L'expérience professionnelle est trop courte pour le dire, et l'accident qu'il a subi montre que son comportement rebelle aurait eu besoin d'être cadré. Jay Williams a eu depuis beaucoup de temps pour réfléchir. Devenu analyste pour ESPN, son expérience a servi de référence pour comprendre la situation vécue par Derrick Rose depuis deux ans. La douleur, l'impatience, l'envie, il connaît. Mais à le voir, on se dit qu' il cherche toujours la rédemption. Pour s'être détruit lui-même.