Impossible n'est pas Wilt Chamberlain

Impossible n'est pas Wilt Chamberlain

Wilt Chamberlain - Philadelphia Warriors - New York Knicks

Le 9 mars 1962, Wilt Chamberlain réalise l'impossible en marquant 100 points en un seul match. Retour sur cette performance qui ne sera probablement jamais égalée.

Le 2 mars 1962 les Warriors de Wilt Chamberlain affichent un bilan de 46 victoires pour 29 défaites et affrontent ce soir-là des Knicks qui finiront par la suite à la dernière place du classement de la Conférence Est. A domicile, les Warriors reçoivent une équipe en détresse qui doit en plus jouer sans son pivot titulaire malade, Phil Jordan. C'est donc au sophomore Darrall Imhoff et au rookie Cleveland Buckner de se coltiner un Chamberlain de gala cette saison-là avec 50,4 points et 25,7 rebonds par match en moyenne. Imhoff est clairement le meilleur défenseur des deux, mais il est rapidement embêté par ses trop nombreuses fautes, et son coach est alors contraint de ne le faire jouer qu'une vingtaine de minutes. 

Tous les éléments sont donc réunis pour qu'un énième record de Wilt Chamberlain tombe. 

 

Avec ses 10 centimètres de plus que Cleveland Buckner, il est évident que Wilt a toutes les cartes en main pour faire un véritable carnage. Voyant la lourde tâche qu'il va devoir assumer, Buckner pense encore sans doute à la rencontre qui opposait les Knicks aux Warriors deux jours plus tôt, dans lequel Wilt a planté 28 points en un seul quart-temps face à un Buckner impuissant.

 

Le match commence et très rapidement les Warriors font la différence. A la fin du premier quart-temps les Knicks sont d'ores et déjà en difficulté (42-26), la faute notamment à un Wilt Chamberlain à 23 points dont un 9/9 sur la ligne des lancers alors que c'est le plus gros point faible de sa palette offensive.

Mis à mal par son nombre de fautes, Darrall Imhoff finit par se plaindre auprès des arbitres en rejoignant le banc :

 

Hey, t'as qu'à lui en donner 100 directement, comme ça on rentre tous à la maison ! 

 

C'était sans savoir ce qui allait lui tomber sur le coin du nez une bonne heure plus tard...  

 

A la mi-temps les Knicks ont réduit l'écart au score mais pointent encore à quelques longueurs des Warriors (79-68). De son côté, Chamberlain est déjà à 41 points. Dans les vestiaires, le meneur des Warriors, Guy Rodgers, lance :

 

Donnons la balle à Wilt et voyons à combien de points il peut finir.

 

Cette stratégie régulièrement adoptée le dimanche matin en départementale se montre vite inarrêtable. Les fautes des Knicks deviennent de plus en plus rudes mais cela n'empêche pas Wilt de continuer sur sa lancée en marquant 28 points dans le troisième quart-temps, portant le score à 125-106 en la faveur des Warriors.

 

Avec ses 69 unités à l'aube du dernier acte, Wilt Chamberlain n'est qu'à 9 points de son record de points marqués en un match. Dave Zinkoff, le speaker des Warriors, en profite évidemment pour enflammer la salle en faisant le décompte auprès des spectateurs. Alors qu'il reste près de 8 minutes à jouer dans le dernier quart-temps, Wilt marque son 79ème point devant une foule déchaînée. Les 4124 spectateurs présents se mettent alors à crier : "Donnez-la balle à Wilt, donnez-la balle à Wilt !" en voyant que la barre fatidique des 100 points est atteignable. Les Warriors ne changent pas de stratégie et filent dès que possible la gonfle à leur pivot. A six minutes du terme de la rencontre, les Knicks font tout pour éviter d'être les dindons de la farce et se mettent alors à faire faute sur chacun des joueurs des Warriors à l'exception de Chamberlain, afin de garder la balle loin de ses mains en or. Ce qui ressemblait jusque là à une rencontre de basket sur-dominée par l'un des acteurs du soir n'est plus maintenant qu'une parodie de sport. Les Knicks ne jouent plus pour gagner, mais pour empêcher Wilt d'atteindre les 100 points. Les Warriors ne jouent plus pour gagner, mais pour permettre à Wilt d'atteindre les 100 points. La preuve en est avec la stratégie adoptée par Philadelphie dès la mi-temps, et maintenant celle des Knicks. En effet, les possessions offensives des Knicks se résument à faire défiler le chrono pour que Wilt n'ait pas le temps d'atteindre son objectif du soir, ce qui est totalement le contraire de ce qu'une équipe menée au score est censée faire. 

Voyant que le temps défile et que Chamberlain n'est toujours pas à 100 points, les Warriors se mettent alors à faire faute rapidement sur les Knicks pour récupérer la balle le plus vite possible. Oui oui, une parodie de sport je vous dis. Après un fadeaway et un dunk dévastateur à une minute du retentissement la sirène, Wilt se retrouve avec 98 pions marqués et a déjà envoyé valsé ses précédents records de points marqués en un seul match avec 73 points et 78 points après une triple prolongation. A 46 secondes du terme de la rencontre, le héros d'une nuit devient à tout jamais le héros de la NBA sur un alley-oop qui lui permet d'atteindre les 100 points. 

 

Des centaines de spectateurs débarquent sur le terrain pour congratuler cet immense champion alors que la rencontre n'est même pas terminée. Contrairement à ce que beaucoup ont raconté pendant de nombreuses années, le match a bel et bien repris après plusieurs longues minutes d'interruption. Pour les 46 secondes restantes Wilt attend patiemment au milieu du terrain pour pouvoir officiellement célébrer sa performance historique, tandis que les deux équipes font défiler le chrono. 

Les Warriors remportent la victoire 169 à 150 avec un Wilt à 100 points dont un 36/63 aux tirs et un 28/32 aux lancers-francs. Il établit évidemment le record NBA de point marqués sur un match, mais également celui du nombre de tirs tentés, celui du nombre de tirs rentrés, du nombre de lancers-francs rentrés, du nombre de point marqués en une mi-temps (59) et en un quart-temps (31). Certains de ces records ont par la suite été battus, mais s'il y en a bien un qui risque de ne pas être battu de si tôt c'est bien celui des 100 points marqués en un match.

 

Outre cette performance totalement ahurissante et historique, il y a un réel recul à prendre sur sa réalisation. Loin de moi l'idée de discréditer ce record de Wilt Chamberlain soyons d'accord, mais seulement de vous faire comprendre que si on adule ce joueur depuis plus de 50 ans pour cette performance (notamment), alors pourquoi crions-nous au scandale quand certains joueurs et certaines équipes NBA jouent différemment pour entrer à leur tour dans l'histoire ?

 

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