C'est avec un Jacques Monclar en pleine forme que nous avons eu l'occasion de discuter pendant près d'une heure vendredi matin, alors qu'il était en pleine préparation de l'émission NBA Extra sur BeIN Sport. Intarissable dès qu'il s'agit d'évoquer notre sport favori, nous avons effectué un grand tour d'horizon de la planète basket ensembles, sans langue de bois.
L'interview sera publiée en deux parties dont voici la première concernant ses nouvelles activités à BeIN Sport et la NBA en général. Ne manquez pas la deuxième partie sur le basket français, qui sera publiée demain.
Inside Basket : Bonjour Jacques, comment s’est passé ton intégration à BeIN Sport ?
Jacques Monclar : Très bien. J’ai été remarquablement accueilli par la structure. Xavier Vaution est en charge des sports US et on se connait quand même depuis quelques années. Aucun état d’âme et plutôt ravi d’avoir été accueilli comme ça, par la structure, Charles Biétry, Florent Houzot et Youssef Al Obaidly, le directeur de la chaîne. C’est un plaisir de bosser ici. C’est quand même nouveau qu’il y ait une émission de basket quotidienne d’une demi-heure, même si c’est de la NBA.
Commenter la NBA ne commençait pas à te manquer ?
Non, pas vraiment. Bien sûr que j’adore la NBA, je la suis comme je peux depuis 1977. J’étais en fin de contrat avec Canal au mois de juillet. La suppression de l’émission (Canal NBA, ndlr), le fait qu’il y ait moins de matchs, qu’il n’y ait plus de NBA, que George (Eddy) soit en CDI, je me disais que j’allais me retrouver dans une situation difficile, donc j’ai été voir David (Cozette) et une partie de la structure, et j’ai demandé à être libéré.
Charles Biétry m’avait fait une proposition de fonctionnement qui m’allait bien en me parlant de NBA, d’aller sur place, l’émission quotidienne, quelques matchs, pas trop de nuits, participer à d’autres émissions comme le club. Puis dans ma vie, j’ai toujours fonctionné comme ça. C’est une manière de se remettre en question, de progresser. C’est vrai qu’aller commenter de la NBA sur place, comme dit mon fils Julien, 'Papa, tu as commencé ce métier à plein temps il y a cinq ans et demi et tu vas te retrouver en bord de terrain des Finales NBA, du All-Star Game, je ne sais pas si tu te rends bien compte' (rires).
Justement, le All-Star Weekend de la semaine prochaine est le premier événement en direct que va couvrir BeIN Sport sur place, quel sera le dispositif mis en place ?
On va couvrir le Rising Stars, tous les concours et le match. Nous aurons des caméras privatives donc vous nous verrez, on aura Nicolas Batum avec nous le samedi de façon certaine et peut-être le dimanche. On va essayer de faire les choses bien, de mettre en boîte des interviews. Moi, j’aimerais bien qu’on fasse des focus sur Gregg Popovich, même si ça va être délicat, des personnes comme ça, qui sont peut-être moins exposées.
On va essayer aussi de présenter, de faire connaître, parce que sur BeIN, il ne faut pas se leurrer, on a une clientèle football à la base. Certains sont venus pour le basket, mais on se doit d’être précis, et généraliste aussi. C’est une ligne de faute, mais c’est le but du jeu.
Ce nouveau rythme avec matchs la nuit et émission quotidienne n’est-il pas difficile à tenir ?
(Il coupe). Les matchs la nuit, je n’en fais pas beaucoup, j’ai la chance de pouvoir choisir. Alors oui, je me lève 1h plus tôt qu’avant. Je dois être là pour 9h15-9h30 pour la conférence de rédaction. Et comme je sors toujours mon vieux chien le matin, je dois être debout à 7h15. On bosse le matin pour l’émission du soir. On essaie de trouver des choses un peu différentes, on désigne nous-mêmes le MVP de la nuit. Le vendredi, il y a le magazine que Rémi Reverchon a mis en boîte, il y a déjà eu Evan Fournier, Ray Allen, Nico Batum, et il y a aussi la palette.
On essaie d’avoir des joueurs sur skype mais avec le décalage, ce n’est pas toujours facile. On essaie aussi de trouver des petites anecdotes, des trucs décalés, Xavier est fort pour fouiner dans tout ça et trouver. Puis on essaie de rester dans le basket, ne pas donner des stats pures et dures, et moi j’essaie d’apporter mon analyse basket.
Passons maintenant à l’actualité NBA plus générale. La saison arrive bientôt dans sa partie la plus importante, est-ce que tu vois des favoris qui commencent à se dégager clairement ?
C’est difficile, parce qu’il y a l’incertitude Spurs. Sont-ils capables d’enchaîner ? Sont-ils capables, sur des équipes qui vont jouer dur, de faire des séries ? Alors je ne parle pas du premier et du deuxième tour, mais le fait de mener 2-0 et de faire 0-4 ensuite, c’est quelque chose qui m’interpelle encore. Est-ce que la montée de Tiago Splitter va suffire, est-ce que Tony à maturité va suffire, est-ce que le repos donné à Manu Ginobili va lui faire du bien, est-ce que Kawhi Leonard et Danny Green vont maintenir ce niveau de jeu en playoffs, voilà. Sans ça, effectivement, ils ont un profil magnifique en terme de qualité de jeu. Je pense que le défi n’est que physique.
Personnellement, je vois bien OKC, et pas seulement à l’Ouest. Je les vois champions. Si Westbrook reste sous contrôle, OKC a tout pour gagner cette année. Mais la finale San Antonio Spurs/New York Knicks m’irait très bien.
Tu ne penses pas que le départ de James Harden puisse être un handicap par rapport à la saison dernière ?
Oui et non. Oui parce que c’est un joueur fabuleux et si j’avais été General Manager, je me demande si je n’aurais pas choisi Harden à la place de Westbrook. Non car je trouve que Kevin Martin est un bon 'fit' parce qu’il a cette capacité à marquer des paniers, à être dans son jeu de transition, à bien bouger sans le ballon quand ils ne sont pas sur le spacing immobile du jeu placé. C’est pas mal, même si je pense qu’ils ont intérêt à impliquer beaucoup plus Serge Ibaka offensivement.
Pour la conférence Est, le retour de Derrick Rose peut-il bousculer les choses ?
Alors quand il va revenir, il va être bon. Après, il aura un petit coup de moins bien. Il faut voir, mais bien sûr que ça va permettre aux Bulls d’être à un niveau supérieur. Pour Miami, alors on va ressortir la phrase de Rudy Tomjanovich, 'don’t ever underestimate the heart of a champion', mais si Miami continue à tourner sur trois cylindres, ça ne va pas aller. Il faut impliquer les Shane Battier, Mario Chalmers, Norris Cole, les joueurs comme ça, et Ray Allen, bien sûr. Ils auront besoin d’un collectif pour gagner, ils ne pourront pas gagner à trois. Et d’une défense oui, mais ça c’est en corollaire.
Les Knicks ? Très sincèrement, je n’étais pas le plus grand fan de Mike Woodson, mais je trouve qu’il fait un super boulot. Si les Knicks arrivent à ne pas perdre de balles et ils n’en perdent pas beaucoup, s'ils restent autour des 11bps par match c’est juste hallucinant, ils vont être embêtants pour tout le monde. En basket, quand tu ne donnes pas la balle à l’adversaire, et même si tu shootes vite (et c’est leur cas) c’est bien, donc les Knicks… De toutes façons, c’est très ouvert à l’Est, parce que même Indiana, s’ils terminent 3èmes, et que dans une série ils prennent un match à l’extérieur, gagner au Banker’s Life Fieldhouse ne sera pas facile.
Pacers/Bulls/Heat/Knicks, c’est chaud. (On souffle qu’Indiana va, de surcroît, retrouver Danny Granger). Il ne faudrait pas que ça limite Paul George. Est-ce qu’ils ne vont pas l’échanger aussi, c’est un autre débat. Parce qu’il faut prendre ça en compte également. Après le All-Star le rythme s’accélère, mais après la deadline, ça commence vraiment.
Que penser de la situation des Lakers, penses-tu qu’ils peuvent prendre le 8ème spot à l’Ouest ?
(Il réfléchit) Ce matin (entretien réalisé vendredi, ndlr) ils sont à moins 4 victoires sur Houston… C’est compliqué. Parce qu’il ne suffit pas de gagner des matchs maintenant, il faut aussi que les autres en perdent. Avec Pau Gasol absent en plus, on va savoir vite. Cela va être compliqué pour eux.
Que penses-tu du cas Dwight Howard ?
J’en pense que beaucoup de joueurs qui ne font pas le college, hormis Kobe Bryant ou Kevin Garnett, même si lui est là depuis 20 piges, ne sont pas finis, il y a des manques. Il en est l’expression même. C’est certainement un garçon très sympathique, mais je ne partirais pas à la guerre avec lui. Techniquement, il est faible offensivement, il n’a pas une lecture de jeu comme peut l’avoir Joakim Noah par exemple ou Marc Gasol, et il a ce déficit au lancer-franc qui est quand même difficile à coacher dans les dernières minutes, ce sont des bémols.
Alors après, "meilleur défenseur", mais est-ce qu’être meilleur contreur pour un grand ou meilleur intercepteur pour un extérieur, c’est être meilleur défenseur ? Je ne crois pas. Il a perdu son cornac avec Jameer Nelson, clairement. Ça c’est quelque chose dont on parle peu mais qui est évident, d’ailleurs, ça phagocytait un peu le jeu d’Orlando. Ça bouffait un peu le jeu des autres mais cet axe fort Nelson/Howard était monumental.
Parlons maintenant un peu des Français. Tony Parker effectue encore une saison exceptionnelle, a-t-il une chance de déloger LeBron James et Kevin Durant du haut du classement pour le titre de MVP ?
Il peut déjà être cité. Je ne pense pas qu’on puisse le donner à quelqu’un d’autre que Kevin Durant ou LeBron James, mais d’être cité c’est déjà une réussite. Si Tony arrivait à être dans le premier cinq NBA, je pense qu’il n’en sera pas loin et je lui souhaite de tout cœur, ça correspond à un titre de champion du monde. Il me blase en fait. Il est à la période où son shoot est de plus en plus consistant, il est toujours aussi vite, il est en maîtrise totale de sa technique et de la technique collective des Spurs, le tableau est quand même positif (rires).
Les absences répétées de Tim Duncan et Manu Ginobili lui permettent aussi d’être encore plus dans la lumière.
Oui, mais avec Tim Duncan quand ils fonctionnent à deux, c’est déjà Tony qui est dans la lumière, c’est l’équipe de Tony, c’est Tony qui fait tourner l’équipe.
Passons à Nicolas Batum. Son niveau de jeu prouve que son contrat était mérité, ton avis ?
Ça calme les 'haters', oui. Son potentiel est infini. Ce qui est certain, c’est qu’il assume. Là, il a pris un coup sur le poignet donc il shoote moins, mais il est le liant de cette équipe offensivement. Il est beaucoup plus consistant au niveau du shoot, beaucoup plus fort au niveau de la lecture. Bon, il a tendance à perdre des balles, mais c’est comme ça depuis qu’il est tout petit. Il a toujours été un bon défenseur, il a les mains rapides, il a de l’envergure, une connaissance du jeu et une connaissance de l’histoire du jeu remarquable. Je l’adore, tout le monde le sait, je ne suis pas toujours le plus objectif pour Nico.
Peut-il être All-Star dès la saison prochaine ?
De toi à moi, ne le méritait-il presque pas déjà cette année ? Alors ils ont pris LaMarcus Aldridge. C’est vrai qu’il a un shoot fantastique, il met des points, mais Nico n’est pas loin du compte quand même. Qui pensait que les Blazers seraient encore à 50% de victoires, qui pouvait imaginer ça ? Moi je les voyais gagner 30 matchs dans l’année. Terry Stotts fait un super boulot. Je me faisais même du souci par rapport à ça, par rapport à son contrat. Bon il y a une belle alchimie qui s’est déclenchée, Damian Lillard est un gourmand puis il est jeune, Wes Matthews est un shooteur, JJ Hickson est un pétard ambulant et LaMarcus Aldridge est quand même un scoreur/shooteur. Nico c’est l’homme idoine là-dedans parce qu’il fait un peu de tout. Il est remarquable.
Un qu’on voit moins malheureusement et qui a disparu de la rotation des Raptors ces derniers jours, c’est Mickaël Pietrus. Que penser de sa situation ?
Je pense que c’est le genou, que les cartilages grincent. Je pense que Mickaël a peut-être eu tort de ne pas rester dans la Maison Verte, même pour le minimum salarial. Alors ce sont des histoires de Millions de dollars, et ce n’est pas moi qui vais leur reprocher de prendre de l’argent.
C’est dommage pour Mickaël qui est certes un peu un pétard ambulant, mais qui dans un registre défense, jeu de transition, shoot au large peut être efficace. Je peux le dire, parce que je lui dis régulièrement, ‘n’essaie pas de faire du Michael Jordan ou du Kobe et de dribbler de partout, contente-toi de courir, défendre, shooter et puis tu seras un bon joueur’.
Dans le même registre des oubliés, Rodrigue Beaubois, Rick Carlisle ne semble lui faire confiance seulement par intermittences à Dallas.
Quand je vois ses stats contre Portland, il joue 19min, il met 9pts, il fait 4rbds, mais il ne fait que peu de passes (2). Dallas est une franchise en difficulté. D'ailleurs, ils se laissent pousser la barbe tant qu’ils ne sont pas à 50%. Ils risquent d’y passer la saison, mais Rodrigue ne va pas être trop embêté, car ce n'est pas le plus poilu de la bande (rires). Le vrai problème, c’est de trouver quelqu’un qui lui fasse confiance et qu’il puisse vraiment joueur meneur. Et qu’il ne soit pas blessé. Le talent de Rodrigue n’est pas à remettre en cause.
Pour finir sur le sujet NBA, on entend souvent dire que celle des années 80 ou 90 était mieux, quel est ton avis là-dessus ?
J’ai beaucoup de défauts, mais je ne suis pas un 'vieux con' qui dit 'de mon temps, c’était mieux'. Bien sûr qu’il y a des personnages incontournables, Magic (Johnson), Larry (Bird), c'était juste génial, un peu avant Julius Erving, c’était juste sublime. Si on remonte plus loin, Big O (Oscar Robertson), c’était un monstre, Walt Frazier, Jerry West, tout ce que tu veux. Je crois que la NBA a besoin de personnages et derrière Michael Jordan, on a manqué de personnages. Il y a eu les années Hakeem (Olajuwon), mais Hakeem n’est pas rentré dans l’inconscient collectif comme est en train de le faire LeBron James, Kevin Durant, voire D-Wade, Melo, et Kobe bien sûr.
Le Shaq a mis un moment pour faire cela, il a fallu qu’il aille aux Lakers pour ça. Après l’arrêt de Jordan, en 1998, il y a eu le Shaq qui est dominant avec les Lakers, mais il n’était pas là tous les jours, il était là en playoffs, le temps qu’il maigrisse, qu’il fasse ses conneries (rires). Kobe a mis un moment aussi à avoir du charisme, un peu comme Jordan d’ailleurs, donc on était en attente. Puis il y a eu cette draft 2003, qui n’est que du bonheur. Pour nous français, il y a le fil rouge de Tony, même Boris qui a quand même été MIP, Joakim qui apporte un truc fabuleux. Actuellement, on a la chance d’avoir des personnages dans des grandes franchises : Kobe aux Lakers, Melo aux Knicks, des franchises qui se développent. Miami et OKC, ce sont des terres de football à la base et le basket est en train de monter fort.
Mais ces personnages ne sont-ils pas bridés d’une certaine manière, par l’extrême rigueur des règlements, amendes, l’arrêt du trash-talking… ?
C’est vrai qu’il y a un danger de voir ce qui s’est passé en tennis, de passer de John McEnroe ou Ilie Nastase à des robots, ne plus voir des personnages comme Yannick Noah ou Henri Lecomte, des mecs explosifs. La limite, ce sont les jurisprudences. Le meilleur exemple de ça, c’est le dress code. Alors oui, ça formate les joueurs, mais ça évite d’avoir des mecs qui sont payés des Millions de dollars et qui débarquent avec un look gangsta rap.
Je suis désolé, mais là j’ai fait deux émissions de football et quand je vois des footballeurs interviewés avec un t-shirt tout crade et un bonnet, ils me font peine. Je me dis que finalement, la NBA, elle a raison. Ils raisonnent au pire, c’est la jurisprudence Allen Iverson. Alors oui, ça aseptise. Mais d’un autre côté, quand un mec pose un dunk, crie 'in your face', ça faisait rire George, mais après tu le voyais sur les playgrounds, sur des matchs de minimes, cadets, juniors, et les mômes ne retiennent que ça. Alors oui, c’est douloureux parce qu’on va manquer d’histoires et les personnages font qu’il y aurait matière. C’est un danger, mais tu raisonnes au pire.