Le départ de Derrick Rose : un échange gagnant-gagnant-gagnant

Le départ de Derrick Rose : un échange gagnant-gagnant-gagnant

Derrick Rose - New York Knicks - Chicago Bulls

Derrick Rose, Justin Holiday et un second tour de draft contre Robin Lopez, José Calderon et Jerian Grant. Un échange étrange au premier abord, mais qui fait sens pour les deux franchises. Mais aussi, et surtout, pour Derrick Rose.

On le savait depuis quelques mois : Derrick Rose n'était plus à son aise à Chicago. Natif de la ville, il y aura quasiment passé toute sa vie. Il y a grandi, d'un point de vue personnel et professionnel. D'abord premier choix de draft, il est devenu le meilleur meneur de la ligue, puis son MVP. Ensuite, la chute : cette blessure, lors du premier tour des playoffs en 2012 face aux Sixers, dans un match déjà plié. La descente aux enfers : les pépins s'enchaînent, la peur s'installe dans son esprit. Aujourd'hui, D-Rose n'est plus vraiment l'idole de tout un état. Il est redevenu un joueur comme un autre, un joueur qui coûte 20 millions par an pour une production famélique. Les fans espèrent tous qu'il retrouvera son niveau de 2011 et qu'il saura mener la franchise de l'Illinois à la victoire. D'un autre côté, le meneur empêche la reconstruction des Bulls, comme l'explique Gar Forman, le GM de l'équipe :

 

Ces cinq ou six dernières années, avec Derrick, tout était clair. En mettant l'effectif sur pied, la question qu'on se posait, parmi les dirigeants, était de savoir si cela conviendrait à Derrick. Mais pour notre avenir, ce choix était plutôt sensé. Nous avons le sentiment qu'il faudrait nous rajeunir, être plus athlétiques.

 

Il est parfois utile de changer d'air. Derrick Rose, ainsi libéré de la pression concernant son statut, est sans doute en mesure de rebondir. Physiquement et mentalement, il paraît prêt pour la saison prochaine. On le sait, l'enfant prodigue aime être sous les feux des projecteurs. Il n'est jamais meilleur que lorsque le match est retransmis sur une chaîne nationale ou dans le money time. New York était probablement ce qui pouvait lui arriver de mieux. Sans anticiper un grand come-back, on peut tout de même penser que Rose retrouvera un niveau convenable, comme l'a fait Deron Williams à Dallas cette année...

 

Pour Chicago, le mouvement arrive à point nommé. La franchise a connu un échec massif en ratant les playoffs cette année. Le tout malgré des joueurs comme Jimmy Butler et Pau Gasol notamment. Les dissensions dans le vestiaire ont sonné le glas des ambitions des Bulls et la solution choisie par l'équipe dirigeante est la bonne. Exit les vieillissants Taj Gibson, Joakim Noah, Gasol qui ont tous déçu l'an dernier. La jeunesse et la bonne ambiance retrouvée peuvent permettre de viser plus haut à moyen terme. De toute façon, le titre est une utopie compte tenu de l'épouvantail Cleveland, qui devrait rester au sommet quelques années. Windy City a parié sur le fait que Derrick Rose ne reviendrait jamais à son meilleur niveau en restant à Chicago : on attendra toujours du meneur qu'il soit le sauveur de la patrie. Cette place est désormais dévouée à Jimmy Butler. C'est donc un pari sain et une décision rationnelle.

 

Récupérer Robin Lopez est une bonne affaire puisqu'il reste un vétéran fiable, solide et dur au mal. Son salaire de 13 millions par an reste convenable. Avec les augmentations successives du salary cap, ce montant sera même dérisoire d'ici à l'année prochaine... José Calderon est simplement inclus dans l'échange pour que les salaires correspondent. Finalement, Jerian Grant a effectué une saison rookie convenable et pourrait se révéler être une rotation solide au poste de meneur. L'ancien de Notre Dame, drafté en 19ème position l'an dernier, intéressait vivement le front office des Bulls, comme le raconte à nouveau Gar Forman :

 

L'an dernier, à la draft, Jerian était quelqu'un sur lequel nous étions très enthousiastes. Nous espérions qu'il tombe jusqu'à notre position (22ème). Nous avons beaucoup travaillé sur lui. Il correspond totalement à ce que nous voulons, de la jeunesse et des qualités athlétiques. Il est bon en transition, rapide, et doué sur pick & roll.

 

Du côté de New York, l'enthousiasme est de rigueur. Ces dernières années, la Big Apple a toujours eu vocation à attirer les stars, les joueurs brillants. Des joueurs comme Stephon Marbury, Jamal Crawford, Zach Randolph, Amar'e Stoudemire, Carmelo Anthony, Tracy McGrady. Des joueurs qui ne l'ont jamais vraiment aidé à retrouver les sommets : depuis le nouveau millénaire, les Knicks sont la risée de la ligue et surtout de leurs propres fans. Est-on en train de renouer avec la période Isiah Thomas ? La réponse est non.

 

Il est difficile de penser que l'arrivée d'un joueur pesant 20 millions de dollars pour plus de 200 matchs ratés soit une bonne affaire. Et pourtant, Phil Jackson a plus d'un tour dans son sac. Il ne s'agit pas tant du recrutement en tant que te, que du message envoyé par le Zen Master. Le package Lopez-Calderon a été proposé à toute la ligue sans succès. Les deux joueurs ne sont pas vraiment intéressants. A vrai dire, s'il avait le choix, le président des Knicks préfèrerait mettre fin à leurs contrats dès maintenant. Malgré cela, il parvient à recruter un grand nom. Peut-être plus au niveau, mais peu importe. Jouer avec D-Rose, avec Melo, avec Kristaps Porzingis intéresse. Le recrutement des agents libres n'en sera que facilité. Joakim Noah, longtemps courtisé, ne devrait pas résister plus longtemps. New York a également la marge financière pour signer un grand joueur. Difficile de dire qui, mais les faits sont là : les Knicks ont la meilleure exposition médiatique de la ligue. La plus intéressante pour les egos monstrueux que recèle la NBA. L'équipe n'a jamais réussi à tenir ses promesses, mais jouer à New York fait à nouveau rêver.

 

Sportivement, cet échange ne comporte absolument aucun risque pour les Knickerbockers. 32 victoires sur l'année passée, c'est peu. Pour un groupe vieillissant, sans choix de draft pour l'an prochain, c'est encore pire. Avec un Melo déclinant, il est urgent de revenir au sommet. En tant que tel, l'effectif n'avait absolument aucun avenir, et faire des changements était nécessaire. Derrick Rose est un ancien MVP et joue toujours à un niveau correct. Le récupérer n'a pas alourdi la masse salariale de la franchise, et le joueur est dans sa dernière année de contrat. S'il ne satisfait pas, il ira voir ailleurs. Cela donnera à New York l'occasion de recruter une autre star avec son salaire. Les pertes sont mineures puisque Lopez, Calderon et Grant n'ont jamais eu un intérêt particulier pour Jeff Hornacek, le nouveau coach. Ce dernier, qui recherchait un meneur capable d'imprimer un tempo rapide, voit sa demande satisfaite. Ses propos en conférence de presse sont dithyrambiques : 

 

C'est un jour très excitant pour New York et pour nos fans. Derrick est un des meilleurs meneurs de la NBA et a l'habitude des gros matchs de playoffs. Il imprime une nouvelle dynamique à notre effectif et rend notre ligne arrière meilleure.

 

Dans cet échange, tout le monde y trouve son compte, ou presque. Autant dire que ce n'est pas un avis partagé par tous, même à la rédaction. Derrick Rose est un sujet clivant et passionnant. En tout cas, le suivre à New York ajoute un intérêt supplémentaire à la saison à venir. On a hâte que les matchs reprennent pour ne rien vous cacher...