Le soleil se lève #6 : Ces Suns inépuisables ne comptent pas rentrer à la maison

Le soleil se lève #6 : Ces Suns inépuisables ne comptent pas rentrer à la maison

NBA Finals - Phoenix Suns - Milwaukee Bucks - Devin Booker - Chris Paul - Giannis Antetokounmpo
Crédit photo : Fox News

Le soleil n’est plus très loin d’atteindre son sommet le plus haut dans le ciel. Dans une campagne de playoffs débutée en anonymes, les Suns sont désormais à 2 victoires d’obtenir le premier titre de champions de leur histoire. La route est encore longue, bien que rien ne semble indiquer un retournement de situation à venir.

Alors ces Suns, pas mal non ? C’est armés d’un collectif à tout épreuve que les Suns sont en train, doucement mais surement, d’écrire leur légende. En figurant dans la troisième finale NBA de l’histoire de la franchise, ce groupe jeune et ambitieux a su s’imposer au fil de ces playoffs comme l’équipe incontournable de 2021, avec des leaders en feu et un jeu collectif resplendissant. Chris Paul, Devin Booker et Deandre Ayton ne cessent d’affoler les compteurs. Le meneur a réussi la troisième meilleure entrée d’un joueur en Finale NBA lors du Match 1 avec 54 points provoqués (32 points et 9 passes), derrière Michael Jordan et Allen Iverson. Devin Booker a lui déjà marqué 490 points pour sa première campagne de playoffs, soit le troisième meilleur démarrage de l’histoire derrière Julius Erving (518) et Rick Barry (521). Enfin, Deandre Ayton est lui tout simplement déjà assuré de finir avec le meilleur pourcentage au tir de toute l’histoire en playoffs, à 69% sur la campagne. Mais ces simples statistiques ne disent rien sur le spectacle proposé depuis des mois à Phoenix. Ces Bucks menés 2-0 semblent déjà sans solution contre ce collectif, et pour cause, on va tenter d’expliquer ici pourquoi ces Suns sont devenus inépuisables de ressources et d'adaptation systématique.

 

Les Suns ont donc remporté leurs deux premiers matchs de Finale NBA, 28 ans après 1993, dans deux scénarios pourtant bien différents, qui laissent peu d’espoirs au Bucks. Dans le Match 2, on a vu cette équipe de Milwaukee revenir sur le parquet de Phoenix affamée, et déterminée à montrer aux yeux du monde qu’ils étaient bien l’équipe avec le plus d’envie sur ce match. Raté, mais le début de match était pourtant très prometteur ! Après un match 1 marqué par un manque d’agressivité défensive, ces Bucks sont revenus couteau entre les dents ! Très vite, on a vu que Mike Budenholzer avait fait le choix de ne laisser aucun espace à mi-distance ou dans la raquette à Paul et Booker, avec sa défense en drop et des joueurs comme Jrue Holiday et PJ Tucker qui ont redoublé d’intensité dans leur travail défensif. Une impression visuelle qui s’est confirmée par les 10 tirs extérieurs tentés en 8 minutes par Phoenix, sans autre issue en attaque. Ainsi, la maladresse de ces Suns est soudain apparue, ce qui a débloqué plus de solutions offensives à ces Bucks, inscrivant leurs 16 premiers points dans la raquette !

 

Mais tel un coup de marteau sur leur tête, on a compris que ces progrès seraient sans-doute vains à Milwaukee. D’abord car avec tous ces éléments, les Bucks ne menaient que de trois petits points après un quart-temps. Ensuite car le conte de fée n’allait même pas durer jusqu’à la mi-temps. La raison principale à ça est peut-être l’adresse extérieure des Suns, à 50% sur ce match, qui s’est déclenchée dès les premières minutes par 15 premiers points tous marqués derrière la ligne extérieure. Les Bucks ont pu constater dans ce match que ces Suns, même moins agressifs, étaient toujours meilleurs qu’eux. Après avoir obtenu 26 lancers-francs dans le Match 1, les Suns n’en comptaient que deux en première mi-temps du Match 2, pour un résultat toujours similaire, une avance confortable de 11 points. C’est la force d’adaptation de ces Suns qui a fait la différence dans ce match. Sans solutions dans le jeu intérieur, les Suns ont écarté le jeu, avec la force collective qui les a portés toute la saison. Beaucoup de hustle (surtout en deuxième mi-temps), et des leaders utilisés différemment, à l’image d’un Chris Paul qui a inscrit un des tirs décisifs à trois points dans le quatrième quart-temps.

 

 

Ce que les Bucks ont pu apprendre du Match 2, c’est que ces Suns n’ont finalement pas tant besoin de trouver un Chris Paul et un Devin Booker surdominants au scoring pour l’emporter. Leurs statistiques individuelles se sont envolées en seconde mi-temps, mais la première mi-temps déjà à sens unique montrait un bel aperçu de cette réalité. Les Suns, c’est avant tout un groupe qui déroule un jeu splendide que Monty Williams a pris le temps de développer depuis son arrivée en 2019, en partie inspiré par son expérience dans le coaching staff de Gregg Popovich il y a quelques années. Le Match 1 a montré comment Chris Paul et Devin Booker pouvaient être de formidables solistes (59 points), le second a montré leur capacité à s’effacer (14 passes décisives) pour des role players en qui ils ont confiance. Malgré la belle défense des Bucks, les Suns se sont adaptés à la vitesse de la lumière, terminant la première mi-temps avec 15 passes décisives. On en revient alors à l’apprentissage de Monty Williams à San Antonio, qui s’est matérialisé dans ce match sur l’une des plus belles séquences de basket de ces playoffs 2021.

 

 

Ces deux premiers matchs des Finales NBA ont aussi montré à quel point Devin Booker était aujourd’hui l’un des meilleurs arrières de la NBA, capable de scorer partout sur un terrain. Sur le Match 1, on l’a vu très agressif, en profitant des erreurs de Milwaukee sur pick and roll pour sanctionner à mi-distance, et surtout attaquer la raquette dès que possible, ce qui s’est matérialisé par 27 points dont 10 lancers-francs. Dans le second match, rien à voir ! Devin Booker bien agressé par la défense des Bucks n’a pas eu accès à la raquette des champions de l’Est. Alors, il a fait ce qu’il a pu développer lors des périodes de vache maigre à Phoenix, de l’isolation et du tir extérieur ! On l’a vu exceller en duel sur n’importe quel défenseur des Bucks pour finir la soirée à 12/25 dont 7/12 à trois points. C’est seulement la deuxième fois de sa carrière qu’il dépasse les 6 tirs à trois points marqués en match, la deuxième fois lors de ces playoffs 2021, comme si Booker avait encore su dépasser ses limites.

 

 

Pour en revenir à la force collective de Phoenix, ce qui fait la différence sur ces playoffs 2021, c’est le fait que chaque joueur, de Devin Booker à Torrey Craig, connaisse parfaitement son rôle et l’applique à la lettre. C’est particulièrement vrai chez ces role players, héros cachés dans l’ombre, qui ont porté les Suns dans le Match 2. C’est ce qui permet à Phoenix de conserver une intensité régulière pendant 48 minutes, contrairement à toutes les autres équipes affrontées depuis 2 mois. Ainsi, on a vu Mikal Bridges se révéler à la face du monde jeudi soir, là où personne n’a été surpris à Phoenix ! Ce 3&D déjà élite dans la NBA moderne capable de défendre tous les postes du meneur à l’ailier-fort, cache aussi en lui un potentiel monstrueux au scoring puisqu’il est déjà très à l’aise balle en main avec ses bras tentaculaires, capable de finir en sortie de dribble à mi-distance comme au cercle. Auteur de 27 points dans le match 2, son record en carrière, il a montré que ces Suns avaient tellement d’armes au scoring qu’ils utilisent l’une d’entre elle seulement partiellement, mais nul doute que les 13 points par match marqués par l’ailier charismatique cette saison ne sont qu’un avant-goût de ce qu’il produira le jour où il sera davantage responsabilisé. Et surtout, ne voyez aucun lien entre son activité défensive et un Khris Middleton qui tire à 17/46 dans ces Finales NBA…

 

 

Mikal Bridges devient alors dans ce collectif un exemple à suivre. Cam Johnson, débarqué à Phoenix un an seulement après le prodige de Villanova dans un contexte post-draft où il était contesté, aura pris son temps, mais se révèle lui aussi être la surprise du chef tant désirée par James Jones à la Draft 2019. Il tire à 55% dans les corners sur ces playoffs, et se montre être un modèle de détermination et de hustle sur chaque ballon. Alors qu’on le décrivait comme un mauvais défenseur à la sorte de North Carolina, il a su combattre ses démons pour devenir aujourd’hui très solide, capable de défendre sur le poste 4 plus costaud que lui sans forcément devenir une mismatch. La détermination ne s’invente pas, et Cam Johnson la porte en lui sur chaque action, au point d’en être devenu un sixième homme vital, qui serait titulaire dans de nombreuses équipes NBA qui adoreraient se trouver un travailleur de l’ombre aussi adroit, combattif et régulier.

 

 

Et pourtant, ces Suns ne sont pas invincibles ! Une des pistes à exploiter côté Bucks en vue du Match 3 se trouve sans-doute dans le secteur intérieur, véritable force de la franchise du Wisconsin lors du dernier match en date de ces finales. Lors de cette rencontre, on a clairement pu observer un Deandre Ayton sur courant alternatif. Beaucoup plus timide que lors du reste des playoffs, il a même péché défensivement où, bien que pas catastrophique, il a laissé Giannis Antetokounmpo (42 points) faire son chantier en toute impunité. Subir contre le double MVP est arrivé à de nombreux intérieurs certes, mais le limiter, voilà le niveau d’exigence demandé à Deandre Ayton en Finale. Les Bucks ont récupéré 18 rebonds offensifs dans ce macth 2 pour 23 points sur seconde chance, et un 20-0 très explicite dans la raquette lors du premier quart-temps. C’est clair, la clé de la série se trouve là pour Milwaukee. Giannis Antetokounmpo et ses 42 points a réalisé tel chantier en se montrant agressif, en martelant le cercle grossièrement comme il sait si bien le faire, en transition par exemple, un phénomène contre lequel très peu de défenses NBA ont eu la solution ces dernières années.

 

En faisant ça, les Bucks ne peuvent que s’offrir des cartouches supplémentaires pour continuer à y croire dans ce dernier acte de la saison 2020/2021. En agressant la raquette, Giannis va d’abord donner à Deandre Ayton le choix du poison, à défendre de façon soft, ou à tomber dans le foul trouble. Ce dernier scénario est le pire à affronter pour des Suns désormais privés de Dario Saric, la seule vraie rotation intérieure derrière le bahaméen. Sans big men pour occuper Milwaukee, ce serait la porte ouverte à un ras-de-marée offensifs pour des Bucks qui n’attendent que ça. Cela pourrait aussi forcer Phoenix à surcharger la raquette différemment, et donc à libérer des spots ouverts sur la ligne extérieure. Les Bucks ont tiré à 9/31 lors du Match 2, et cela ne devra plus arriver s’ils espèrent faire au moins figuration dans cette finale, puisque même le 16/36 (44%) du Match 1 a été insuffisant pour l’emporter ! Enfin, les Bucks ont été très bons dans leur agressivité pour aller chercher les lancers-francs lors du dernier match. Contre un public de Phoenix totalement déchainé, Giannis a tiré à 11/18 sur la ligne, mais on peut imaginer que ces pourcentages vont grimper face à un public acquis à sa cause, et donc probablement plus doux avec le Grec ! Néanmoins, l’inquiétude pour Milwaukee serait un scénario dans lequel Deandre Ayton a simplement connu un match sans, dans lequel il a tout de même retrouvé des ressources dans le quatrième quart-temps décisif, après ce discours magnifique de Monty Williams à la fin du troisième quart.

 

 

Pour conclure, on a donc tout pour penser que les Suns sont en train de lentement mais surement condamner leur adversaire dans cette finale NBA, à choisir son poison ! D’un côté, ils peuvent faire le pari de défendre comme dans le Match 1 en changeant sur tous les écrans, ce que Chris Paul et Devin Booker ont su parfaitement détruire. D’un autre côté, ils peuvent choisir de laisser la ligne extérieure libre en surchargeant la raquette comme dans le Match 2, et laisser le tir à trois points décider de leur sort. Cette deuxième option est un jeu dangereux. Certes, les Suns ne vont pas tirer à 50% à trois points sur toute la série, mais parier sur les briques d’adversaires dans la forme de leur vie qui viennent de battre le record de la franchise en playoffs dans ce secteur (20 tirs marqués à 3 points), c’est un jeu dangereux.

 

Alors peut-être que la résurrection de ces Bucks viendra d’un nouveau plan défensif, ou d’un réveil de Jrue Holiday qui pour l’instant n’est que la copie conforme du Eric Bledsoe dont Milwaukee s'est débarassé dans son efficacité offensive, mais une chose est sûre, il y a urgence ! Urgence car dans l’histoire NBA, les équipes qui mènent 2-0 ont remporté le titre NBA 31 fois sur 35. Urgence car ces Suns dans la forme de leur vie ont conscience que c’est la meilleure chance de leur histoire d’enfin accéder au titre suprême. Urgence car Phoenix pratique le plus beau basket aperçu en NBA cette saison, et que si vous êtes incapables de parler de leur magnifique parcours sans évoquer les blessures adverses, ne sachant pas apprécier le spectacle collectif proposé, nous sommes désolés pour vous. Les Bucks sont dos au mur, ils doivent absolument remporter le Match 3 sans quoi cette série serait déjà terminée. L’envie d’un sweep se murmure déjà à Phoenix, pour la meilleure équipe à l’extérieur de la saison régulière, qui a remporté 6 de ses 8 matchs à l’extérieur lors des playoffs, dont deux d’entre eux pour finir les séries face aux Lakers et face aux Clippers. Les Suns tiennent le titre NBA au bout de cette dernière ligne droite dans le Wisconsin, la plus difficile, mais la plus belle aussi, avant de faire chavirer le cœur de fans qui attendent depuis 53 ans, ces larmes de joie.