Les as de la supercherie

Les as de la supercherie

Nous avons repris il y a peu une liste de Zach Buckley faisant état des joueurs les plus sur-évalués de la NBA, un panorama qui prenait en compte l'apport d'individus en fonction des performances, du salaire et des attentes générées par la hype. Si l'on oublie ces critères et que l'on se base tout simplement sur leur apport statistique, on obtient alors une autre liste, celle de joueurs dont les stats modifient la perception qu'on a de leur niveau réel.

De "grosses stats" suffisent-elles à prouver l'importance d'un joueur ?

Au football, les stats ne servent à rien. Messi est le meilleur joueur du monde et court 4kms par match. Depuis 3 ans, le jeune retraité Ronaldinho en courait 3, suffisants pour rajouter une Copa Libertadores à sa Copa America, sa Coupe du Monde, sa Ligue des Champions etc. A titre de comparaison, Jimmy Briand, le mal-nommé, en court 12 dont 9 en sprint, mais il ne sert à rien.

Toujours sceptique ?

Des critères aussi peu parlants que les duels gagnés, le pourcentage de passes réussies, la distance parcourue, les ballons gagnés (…) n’ont aucune valeur quand on voit qu’un joueur comme Fred est l’avant-centre titulaire d’un Brésil de plus en plus fringuant : pas de technique, aucune vitesse et encore moins d’agilité, peu de mouvements, une puissance juste correcte et des bouclettes d’une autre époque… mais un réalisme et un don pour être bien placé qui lui confèrent, malgré toutes ces tares, la position tant prisée de numéro 9 de la Seleçao.

En NBA, c’est différent. Feu Jason Kidd joueur, Rajon Rondo, James Harden, Kevin Durant et bien sûr Lebron James sont des joueurs aux multiples talents. On vante sans cesse leur capacité à noircir les feuilles de stats grâce, par exemple, à ces sacro-saints triple-doubles, symbole de domination du joueur sur le jeu.

Des stats conséquentes prouvent-elles donc l’importance d’un joueur ? Généralement oui, mais il y en a certains qui, en dépit de stats tape à l’œil, sont bien moins bons qu’ils n’y paraissent. Monstrueux quand on regarde leur stats (voire leurs highlights) mais peu décisifs, ils ne peuvent clairement pas être à la base d’une équipe qui vise le titre, et ce malgré leur désir d’être traité en superstar. Un statut qu’ils ne méritent pas d’avoir aux vues de leur apport réel, qu’importe leur statistiques…


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Voilà donc la All-Star Deception Team, une sélection de joueurs qui font le bonheur des fans de Fantasy League (jeu de statistiques basé sur l'apport chiffré des joueurs) mais le malheur des supporters lucides des franchises pour lesquelles ils jouent.

  • David Lee (Golden Stats Warriors)

37min, 18.5pts, 11.2rbs, 3.5asts, 0.8st, 2.6to, 0.3blk (51.9% FG x 79.7% FT)

En Fantasy League, où seules les stats comptent, il fait rêver. En vrai, beaucoup moins… Lee, c’est une profusion de points, rebonds, assists, et de bons pourcentages aux shoots. Joueur intelligent et très complet malgré une grave allergie croisée aux contres et à la défense, ses belles performances chiffrées ne font pourtant pas oublier que l’intérieur le plus important de son équipe reste un géant australien aux os de verre qui pèse moins de 6 pts, 8 rbs à 50% aux lancers. Cela en dit long sur la valeur réelle de Lee.

  • Blake Griffin (Los Angeles Clippers)

32 min, 18 pts, 8.3rbs, 3.7asts, 1.2st, 2.3to, 0.6blk (54% FG x 66% FT)

La poule aux oeufs d’or de la division marketing des Clippers est une fraude totale. Phénomène physique, super aérien voire volant, puissant, mobile, agile, grand, collectif et encore jeune, il possède toutes les qualités pour être un joueur dont l’apport marquera l’histoire. Sauf qu’il est presque roux, n’a pas de shoot et encore moins de mouvements fiables en attaque. Il doit se contenter de paniers sur rebonds offensifs, contre-attaques ou alley-oops. En saison régulière, c’est marrant et on y croit presque… mais en play-offs, quand les défenses se resserrent et meurent sous les coups des trois points des extérieurs ou des “go to move” des intérieurs, Griffin est condamné à disparaître, incapable de s’imposer en attaque et en défense… Les occasionnels poster-dunks hypermédiatisés sur la tête des adversaires ne changent rien à ça…

Plus triste encore, les Clippers, aveuglés par tout l’attrait médiatique que leur ailier-fort leur a apporté ces dernières saisons, auraient refusé un échange Griffin contre LaMarcus Aldridge, un intérieur très doué offensivement, capable de scorer intérieur et de s’écarter. LMA aurait formé un duo complémentaire avec DeAndre Jordan et aurait été encore plus décisif avec un meneur du calibre de Paul pour le servir. Refuser le trade était une erreur car la paire Griffin/Jordan est encore très loin d’être performante, si elle le devient un jour…

Doc Rivers, le nouveau coach des Clippers a avoué vouloir développer le jeu de son ailier-fort volant. Il pourrait alors sortir de cette sélection et être le grand joueur intérieur efficace et spectaculaire que l’on attend tous depuis la descente aux enfers de son ancêtre Shawn Kemp.


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  • Al Jefferson (Charlotte Bobcats)

33min, 17.8pts, 9.2rbs, 2.1ast, 1st, 1.3to, 1.1blk (49.4% FG x 77% FT)

Voilà le champion et le team-captain de cette équipe de clowns. Impressionnant de régularité, toujours présent au niveau statistique, Big Al est le pire des joueurs à stats. Offensivement, il n’a pas d’égal au poste bas. Puissant, doté d’un toucher incroyable pour son gabarit, il peut scorer sans problème contre n’importe quelle défense.

Pourquoi se retrouve t-il donc aux Bobcats quand on connaît la pénurie actuelle de Big Men en NBA ? C’est simple, s’il met 20 points, son vis-à-vis en mettra 30. Au bout du compte, on est toujours perdant, sauf contre quelques raquettes risibles que l’on a pu voir la saison dernière - Biyombo/Mullens (CHA) ou Zeller/Thompson (CLE), des raquettes si faibles offensivement qu’elles ne peuvent tenir le choc dans un “scoring contest” -.

L’an dernier, l’équipe des Jazz était dans les 3 pires défenses de la ligue avec Big Al sur le terrain. Une fois sur le banc, Utah se retrouvait dans le top 10, que ce soit avec Derrick Favors ou Enes Kanter à sa place. Le fait que les Jazz aient laissé partir Jefferson sans compensation pour faire confiance à la paire Favors/Kanter en dit long sur la valeur du néo-Bobcat.

  • Monta Ellis (Dallas Mavericks)

37min, 19.2pts, 3.9rbs, 6.0ast, 2.1st, 3.1to, 0.4blk (41.6% FG 28.7% 3pts 77.3 % FT)

Comme Griffin, Ellis est le joueur préféré de millions de fans. Aérien, vif, technique & “couillu”, il n’en est pas moins un calvaire pour ses partenaires car il reste un joueur égoïste, peu concerné par l’animation offensive collective de l’équipe et suspect en défense.

On dit des grands joueurs qu’ils ont un mental d’acier, mais la cervelle de Monta manque clairement de plomb… L’an dernier, il a fait rire son monde en se déclarant aussi doué que Dwyane Wade. Malgré les performances décevantes du numéro 3 du Heat lors des derniers play-offs, c’est faire injure à D-Wade que de croire à ces bêtises… Ellis est aussi proche de Wade que Robin Lopez de son frère Brook. L’un est marrant, l’autre un monstre…

Pour le plaisir, voilà la retranscription du moment de pure délire où il se voit tenir la comparaison avec un Hall of Famer assuré.

Pour être honnête je me mettrais dans la même catégorie que D-Wade. Je veux dire que si on regarde bien, la seule chose qu’il a et que je n’ai pas, c’est des victoires et deux titres de champions. C’est tout. (sic) En ce qui concerne la régularité, les efforts offensifs et défensifs, être une menace intérieure ou extérieure, mener des contre-attaques, jouer un jeu rapide… Monta Ellis sait tout faire.

Rien que ça…

  • Brandon Jennings (Detroit Pistons)

36min, 17.5pts, 3.1rbs, 6.5ast, 1.6st, 2.5to, 0.1blk (39.9% FG 37.5% 3pts 81.9% FT)

Ex-compère de Monta aux Bucks, Jennings est un meneur scoreur qui peine à s’affirmer en tant que tel, à cause d’un jeu trop axé sur un shoot extérieur irrégulier et de trop rares et prévisibles conclusions près du cercle (en plus de jouer exclusivement main gauche, même en finition sur lay-up)… Ses 18pts de moyenne, ses steals, son ratio assist/turnover et ses performances à trois-points masquent cette incapacité à dominer le jeu comme le font les bons meneurs de la ligue.

Adepte d’une défense plus apte à la tauromachie qu’à la NBA, il pénalise son équipe dans ce secteur de jeu et faisait briller, bien malgré lui, la machine à contres qu’est Larry Sanders. Voilà qui explique pourquoi Jennings n’est pas si performant et attirant qu’il croit l’être. Il est resté un agent libre peu convoité avant le lancement projet de Joe Dumars, qui souhaite retenter le coup de 2003 avec un recrutement contesté qui s’est avéré payant et salvateur pour une franchise en perdition.

Mention honorable : Josh Smith (Detroit), Kyle Lowry (Toronto), Ryan Anderson (New Orleans), Anderson Varejao (Cleveland) & DeMarcus Cousins (Sacramento).


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