Match 4 : avantage à personne

Match 4 : avantage à personne

Sur les quinze dernières éditions des Finales, le quatrième match a été remporté huit fois par les visiteurs. Il faut dire que les dernières saisons nous ont offert des scenarii inattendus.

  • 2008 : Le Comeback

Un cauchemar pour les uns, un miracle pour les autres, c'est en tout cas la rencontre sur laquelle s'est jouée cette série entre Lakers et Celtics.

Pour ce premier affrontement en plus de vingt ans entre les deux franchises majeures de la NBA, on s'attend à ce que chacun soit dominateur sur ses terres, et en effet l'équipe qui reçoit remporte les trois premiers matchs. Boston mène 2-1 mais se fait rapidement semer par L.A, pour la grande joie du Staples Center. Les Californiens sont euphoriques et prennent 24 points d'avance dans le second quart.

Mais partir très vite devant est un piège psychologique : on perd en agressivité, offensive et défensive, on se préoccupe moins des points encaissés, alors qu'en face, on rêve d'un impensable retour dans la partie. Surtout avec une équipe de joueurs émotifs et démonstratifs comme le Boston de Pierce et Garnett. Les visiteurs enchaînent 12 points de suite mais les joueurs de Phil Jackson tiennent bon et parviennent à la mi-temps avec 18 unités d'avance. Les C's sont encore loin derrière mais ont littéralement calmé le public du Staples Center, passé de l'euphorie à l'inquiétude en cinq minutes.

 

Pourtant les Lakers gardent le cap, et compensent le sursaut de leurs adversaires, avec toujours 20 points de marge au milieu de la troisième période. Ils vont alors connaître la panne sèche avec la sortie d'Odom et Fisher. Toutes les possessions deviennent un labeur, avec à chaque fois un tir compliqué raté et un rebond défensif. En face, l'équipe du Massachusetts foncent directement au panier, ou écarte la défense et sert Eddie House en grande forme à trois points. Un 14-1 conclue le quart-temps et L.A est en panique totale, ne menant plus que de deux points (73-71).

 

L'ascendant psychologique a changé de camp, mais encore faut-il marquer, et Boston n'arrive pas à prendre les devants. Bryant maintient son équipe au-dessus de la surface, après avoir raté sept tirs de suite. Deux points d'avance, égalité, deux points d'avance, égalité... ce petit jeu va durer plusieurs minutes jusqu'à ce qu'Eddie House donne le premier avantage de la partie aux Celtics. Pire, ils prennent même cinq points de marge. Il reste deux minutes, et Kobe va alors jouer les chefs d'orchestre, score quatre points et distribue deux passes décisives. Mais en face, Paul Pierce s'offre trois lancers-francs et James Posey lance un coup de poignard à trois points. À 16 secondes du terme, Ray Allen conclue en pénétration. 96-91. Sasha Vujacic et Pau Gasol ont beau essayer de revenir, le mal est fait.

 

Les Celtics quittent ce soir la salle avec un avantage de trois victoires à une, et après avoir réalisé le plus gros comeback de l'Histoire des Finales, d'autant plus sur le terrain de leur ennemi historique. Les Lakers viennent de laisser filer la chance de revenir à égalité, et ont pris un sale coup dans leur orgueil en ne maîtrisant pas une victoire facile. Une leçon difficile mais utile pour une formation qui manque encore d'expérience. Boston avait peut-être tout simplement plus envie.

  • 2009 : Big Shot Fish

Si la victoire des Lakers il y a cinq ans face au Magic était assez logique, elle a été bien plus serrée qu'on peut le croire. Après s'être sauvé au Game 2 en prolongation (après un lay-up raté de Courtney Lee au buzzer), les purple and gold débarque à Orlando et perdent le troisième match. Les Floridiens peuvent revenir à hauteur de leurs adversaires s'il remportent le quatrième affrontement.

 

Et l'équipe de Stan Van Gundy va prendre les devants dès le premier quart-temps, et afficher 12 points d'avance à mi-parcours, grâce à une bonne adresse aux tirs, là où les visiteurs tournent à 33% de moyenne, avec un 1/10 à trois points. Mais la tendance s'inverse dans la troisième période où L.A inflige un 30-14 aux locaux pour prendre la main. On pense alors qu'ils ont fait le plus dur, et que leur expérience de finaliste va leur permettre de remporter le match en douceur.

Oui, mais un acteur inattendu va garder le Magic à la surface : Mike Pietrus, qui score neuf points dans l'ultime quart-temps, et complète le jeu intérieur de Dwight Howard, auteur de neuf contres dans la soirée ! Les Lakers cumulent tirs ratés et balles perdues alors qu'en face on arrive à provoquer des fautes.

À deux minutes et demi de la sirène, le score est de 82 partout. Orlando est arrivé jusqu'aux Finales grâce à l'efficacité de ses ailiers et va encore le prouver : Turkoglu enchaîne un missile de loin avec un tir mi-distance, et donne cinq unités d'avance à son équipe. Kobe veut répondre mais rate et le temps se rarifie. Il reste trente secondes quand Pau Gasol réussit à marquer sous l'arceau.

Un tir primé suffirait à revenir à égalité, il n'y a qu'à stopper la prochaine possession. Logiquement, Howard reçoit la balle et provoque la faute. Onze secondes, deux lancers-francs : un cadeau pour beaucoup, un piège pour le pire tireur sur cet exercice depuis Shaq. Il rate évidemment les deux, et L.A s'offre une dernière chance.

Sur la remise en jeu, Derek Fisher récupère la balle. Il va sans doute travailler son défenseur et attendre que Kobe soit découvert. Non, il lâche une bombe à la grande surprise de Rafer Alston, et offre cinq minutes de bataille en plus au public.

 

Le Magic, pour ses premières Finales depuis 1995, vient de revivre le traumatisme des lancers-francs manqués. À l'époque, Nick Anderson avait raté quatre tentatives dans les dernières secondes qui auraient pu sceller le premier match, et Houston avait fini par l'emporter. Orlando subit une deuxième version via Dwight Howard 14 ans après.

Cette prolongation ne sera pourtant une partie de plaisir pour personne. Bryant répond à Rashard Lewis mais sinon rien ne rentre. À 91 partout et une trentaine de secondes à jouer, Kobe attire les défenseurs dans la raquette et ressort la balle vers … Derek Fisher, qui décoche un tir primé face au cercle. Constamment oublié, Fish est pourtant le plus gros scoreur à trois points en Finales, depuis un certain Robert Horry.

Turkoglu manque la répartie et Pau Gasol finit le travail. Les Lakers mènent 3-1 et voient s'approcher leur premier titre en sept ans. Une nouvelle preuve qu'une équipe ne tourne pas qu'autour de ses stars, et qu'il ne faut jamais sous-estimer la confiance d'un vétéran quand le grand trophée est en jeu.

 

  • 2012 : Westbrook, 23 ans, 43 points

Si OKC n'a encore rien gagné depuis le début de l'ère Durant-Westbrook, l'équipe a en tout cas montrer qu'elle savait se battre. Quand une bande de jeunes à peine majeurs débarquent en Finales, on peut s'attendre à ce qu'ils perdent les pédales, impressionnés par l'enjeu. Oui mais ceux-là sont des monstres athlétiques, souvent à la limite de l'erreur mais incroyablement confiants et efficaces.

 

Pour ce quatrième match des Finales, le Thunder est mené deux manches à une et doit gagner à Miami pour revenir à hauteur du Heat. Le départ est explosif : Oklahoma City marque sept de ses huit premiers tirs, et les visiteurs partent sur une grosse impulsion pendant que les Floridiens, surpris, s'accrochent à coups de dunks et de lay-up. Rien n'y fait, Westbrook et Durant ont déjà accéléré (18 points à deux sur le premier quart). Norris Cole a beau inscrire un trois points juste avant la sirène, les hommes de Scott Brooks mènent 33-19.

Mais ce tir a inspiré le jeune arrière qui répète le geste en début de deuxième période. Miami se trouve une dynamique et en l'espace de quatre minutes revient à égalité. L'American Airlines Arena revit.

La triplette magique Durant-Westbrook-Harden refuse néanmoins de se faire dépasser et tiennent un avantage de trois unités à la mi-temps. Le meneur du Thunder est en grande forme, et multiplie les tirs mi-distance dont il a le secret.

Le début du troisième quart-temps est un festival de répartie où l'avantage change neuf fois de coté en cinq minutes ! Le Heat se trouve une arme presque inattendue en la personne de Mario Chalmers, qui complète le boulot du Big 3, alors OKC voit son arsenal se réduire à ses deux All-Stars. James prend les commandes et rentre les huit derniers points de son équipe pour mener 79-75 à l'entrée de l'ultime période.

 

C'est alors que va débuter le « Westbrook Show » : il joue tout en accélération, prend de court ses défenseurs par sa rapidité à pénétrer. Il fonce pour un lay-up, il feinte et shoote en tête de raquette. En deux minutes et demi, il enregistre treize points de suite pour le Thunder ! Le facteur X Mario Chalmers a beau faire des merveilles, les visiteurs reviennent dans le match (90-90). KD s'inspire de son coéquipier et donne même l'avantage à son escouade.

La réponse se déroule en trois temps : Bosh, James puis Wade. 99-94. Westbrook pousse pour revenir mais Chalmers est toujours là pour finir le boulot.

Le Heat l'emporte et creuse l'écart dans la série. OKC n'était pas assez équipé, et s'est focalisé sur une stratégie binaire à force de voir Miami revenir. Russ, du haut de ses 23 ans, vient de scorer 43 points en Finales, avec un 20 sur 32 aux tirs, une stat digne de Jordan ou de Rick Barry.

Ces jeunes sont décidément impressionnants, dommage que leur mental ne soit pas plus collectif.

 

  • 2000 : No Shaq, No problem

Sans doute le soir où Kobe Bryant est devenu une superstar, un gamin de 21 ans très sûr de lui, mais qui prouvait clairement qu'il avait les moyens de mener une équipe au titre.

La saison 2000 appartient à Shaquille O'Neal, MVP partout où il pouvait l'être, scoreur ultra prolifique, il s'en va cueillir son premier titre lors d'un affrontement final avec les Pacers. Indiana, comme la plupart de la ligue, n'a pas vraiment de solution pour stopper Shaq, si ce n'est l'envoyer aux lancers-francs. Mais le Diesel peut lui aussi faire des fautes, les Lakers peuvent-ils tenir le coup s'il en prend six ?

 

Quand arrive le Game 4 de ces Finales 2000, O'Neal peut sembler un peu seul. Son fidèle lieutenant blessé à la cheville au deuxième match, n'a participé qu'à neuf minutes des deux dernières rencontres, son état physique n'est pas au mieux, il faut espérer que le reste de l'effectif (Glen Rice, Robert Horry) limite la casse.

Du coté d'Indiana, on veut rester sur la belle lancée du match précédent et revenir à deux manches partout. Alors les Pacers partent sur une bonne lancée et prennent dix points d'avance à la première pause, grâce à un efficace Rik Smits à l'intérieur. Kobe n'est pas complètement remis de sa blessure, a du mal à scorer. Pour aggraver le tout, Shaq et lui reçoivent leur troisième faute chacun à cinq minutes de la mi-temps. L'équipe locale a une occasion en or de creuser l'écart mais n'y arrive pas. Même limité, O'Neal est un monstre dans la raquette, et les visiteurs arrivent à mi-parcours avec seulement trois points de retard.

Cinq minutes après la reprise, L.A prend les devants pour la première fois du match sur un tir longue distance signé Glen Rice. Par ailleurs, le public d'Indianapolis se rend vite compte que Kobe est en meilleure forme qu'on le soupçonnait, inscrivant dix points dans le quart-temps. Mais la bataille pour la victoire doit se jouer entre les deux leaders : Reggie Miller inscrit 13 unités dans la quatrième manche (35 au final), Shaq en enregistre 14.

La rencontre reste serrée jusqu'au bout : Sam Perkins score pour remettre les deux équipes à égalité à trente secondes du buzzer. 104 partout. Indiana vole un ballon et tente sa chance mais Travis Best rate le coche. O'Neal rate lui aussi à la sirène et on se dirige vers la première prolongation en Finales depuis le Game 1 en 1998.

 

Les Lakers commencent fort avec un 6-2 et doivent maintenant optimiser les dernières possessions. Mais à mi-parcours, Shaq reçoit sa sixième faute. Le géant des angelinos quittent la partie avec 36 points et 21 rebonds au compteur, Phil Jackson doit désormais compter sur le vétéran John Salley à l'intérieur,un match-up beaucoup trop simple pour Smits, et les Pacers reviennent à un point (112-111).

C'est désormais à Bryant de mener les opérations. Il travaille Miller, feinte l'écran avec Horry puis la pénétration et se crée son propre tir à sept mètres. Deux points. Le n°8 affiche un visage de patron qui semble dire « Je m'en occupe ».

Sur la possession suivante, l'équipe de Larry Bird compte à nouveau sur Rik Smits, qui marque à une main. Kobe repart à l'attaque, et crée une séquence de jeu similaire. Il voit Miller et Mark Jackson s'écarter de lui et rentre un long deux points.

Après quatre lancers bonus inscrits par Miller puis Smits, L.A a 28 secondes pour tenir un misérable avantage d'un point. Le temps s'écoule et Brian Shaw tente un tir en extension, le manque. Kobe surgit alors de nulle part pour un rebond et un reverse lay-up à cinq secondes du terme.

Il reste une chance à Indy et on sait déjà qui va la tenter. Reggie a déjà inscrit six tirs primés ce soir, un de plus n'aurait rien d'étonnant. Il ne parviendra qu'à trouver le cercle, puis le panneau. Le temps s'arrête et les Lakers ont survécu.

Avec ce succès, 120 à 118, ils prennent un avantage de trois manches à une. Shaquille O'Neal et Reggie Miller auront dominé la rencontre, mais c'est le gamin dit arrogant et gourmand qui aura été déterminant dans les dernières minutes. Le début d'une tradition.

 

  • 2007 : Une équipe 4 étoiles VS Une étoile sans équipe

Le premier affrontement entre les Spurs et James, et clairement le plus déséquilibré. Entre une formation que beaucoup jugeaient ennuyeuse et une star sans entourage venue de Cleveland, ces Finales n'ont pas vraiment connu d'engouement. L'affaire était pliée avant de débuter : LeBron est trop seul, San Antonio est trop bien organisée. Le script est pauvre et va se dérouler comme prévu, avec trois victoires à zéro pour les Texans. Le match n°4 sent le coup de balai, même si les Cavs s'accrochent à l'espoir de tenir tête au moins une fois aux champions de l'Ouest.

 

Le premier quart est presque un miracle pour les hôtes : les cinq titulaires se partagent la marque, et malgré les nombreuses pénétrations de Tony Parker, les Cavaliers mènent 20 à 19. Mais alors que TP et Ginobili commencent à se partager le travail, LeBron cumule les erreurs : tirs manqués mauvaises passes, faute offensive, et à la mi-temps, les Spurs ont pris la mène (39-34). Le troisième quart est presque la copie du précédent. James n'arrive pas à scorer alors il joue le distributeur. Mais la défense des Cavs n'arrive pas à contenir toutes les éventualités proposées par San Antonio.

L'espoir va pourtant naître en début de quatrième période quand Donyell Marshall puis James vont profiter du manque d'adresse adverse pour inscrire un 11-0 et prendre la tête. Cleveland y croit pendant cinq minutes, le temps que Popovich ajuste son système : chercher les paniers faciles et les fautes. Les Spurs reprennent huit points d'avance et ne seront plus rattrapés. Les joueurs de l'Ohio ont beau inscrire neuf points en sept secondes, c'est en pure perte.

 

Duncan n'a même pas eu besoin d'être bon, tant ses coéquipiers contrôlent la rencontre. (4/15 aux tirs, 4/10 aux lancers-francs, six balles perdues). Ginobili rentre 27 points, Parker conclue son récital de MVP avec un 10/14 aux tirs. En face, LeBron James devait prendre ses responsabilités mais n'a pas pu passer outre la défense texane. Il finira sa saison avec un 10 sur 30 et six balles perdues.

Sept ans plus tard, LBJ s'est trouvé une nouvelle ville, une vraie équipe, un nouveau style de jeu, un physique plus puissant et un mental de champion. Les Spurs sont eux devenus une machine de perfection offensive mais toujours menés par le même trio, avec une armée de seconds couteaux qui peuvent chacun renverser un match. Le système est plus efficace que le talent individuel, et ça LeBron l'a sans doute compris en 2007.