Duncan, 15 ans plus tard

Duncan, 15 ans plus tard

Excepté un certain Kareem Abdul-Jabbar, personne n'a participé à deux Finales à quinze ans d'écart. Retour sur le tout premier match de Tim Duncan sur la grande scène, un soir de juin 1999, où il montrait déjà qu'il était le meilleur.

En deux saisons, Timmy avait déjà tout explosé : deux fois dans le meilleur cinq de la ligue, Rookie de l'année, deux fois sélectionné parmi les meilleurs défenseurs de la NBA. Alors que la NBA vivait une transition difficile post-Jordan plus lockout, Duncan s'était déjà installé sur le fauteuil du roi des ailiers forts, et même renversé la hiérarchie locale, dominée jusque-là par l'Amiral David Robinson.

 

Même les play-offs avaient été une formalité, une domination inégalée. Après une défaite contre Minnesota au premier tour, les Spurs avaient écrasé les Wolves puis les Lakers et les Blazers, dix victoires de suite en se payant le luxe d'être meilleur à l'extérieur qu'à domicile. San Antonio fonçait vers son premier titre, avec comme adversaire final les outsiders de New York, des guerriers partis de la huitième place pour remporter la Conférence Est.

En l'espace de deux ans, TD avait réalisé ce que même le légendaire George Gervin n'avait pas réussi à accomplir : accueillir les Finales NBA dans une ville méconnue du Texas. Il fallait maintenant montrer la couleur aux fiers new-yorkais. Et de quelle manière.

 

  • Les Knicks commencent fort

 

Le cinq de départ des Spurs est un carré de trentenaires avec plusieurs Finales de Conférence au compteur, voire des titres (Mario Elie a été deux fois champion avec les Rockets), Sean Elliott est un ancien All-Star, et Robinson a été MVP quatre ans plus tôt. Si vous y ajoutez un jeune et gigantesque ailier-fort capable de dominer n'importe quel intérieur en 1-contre-1, il est presque impossible de parier contre eux.

Ce sont pourtant les visiteurs qui font un départ canon ce 16 juin 1999, avec un Allan Houston en grande forme. Les Spurs sont sans doute mieux organisés mais leurs adversaires font preuve d'une sacrée efficacité, et dominent au rebond via Kurt Thomas. Contre toute attente, et à l'image de leur post-season, ils pointent en tête 27-21 à la fin du premier quart-temps. Les Texans doivent se remettre dans le bain après neuf jours sans compétition.

 

Pas de raison de s'inquiéter pour les 40 000 spectateurs de l'Alomodome (alors la deuxième plus grosse affluence de l'Histoire), l'équipe hôte prend son temps alors que les Knicks foncent jusqu'à la faute. Jusqu'aux fautes en l'occurence, qu'ils vont accumuler avec un style de jeu trop agressif. Houston, Larry Johnson, Thomas, et Chris Dudley se retrouvent en foul trouble et New York subit son premier point de côté alors que Duncan fait son récital de fondamentaux, en se payant le luxe de scorer plus que toute l'équipe adverse dans la seconde période (11 points pour un 24 à 10 déterminant).

À peine deux années après sa sortie de Wake Forest, Tim Duncan joue lui comme un vétéran : le sens du placement, la patience, l'efficacité. Il n'y a pas de fioriture dans son jeu, il travaille au corps ses défenseurs, se retourne pour un tir à une main avec la planche, ou se faufile sous le panneau pour un lay-up. Les New-yorkais ne trouvent pas la recette pour l'arrêter et ne l'ont toujours pas trouvé. En une mi-temps, Timmy affiche déjà un double-double, avec 19 points et 10 rebonds.

 

On reconnaît là la stratégie que vont suivre les Spurs pendant des années : faire circuler la balle au maximum pour trouver la meilleure situation de shoot pour Duncan, ou prendre appui sur lui pour écarter la défense et faciliter les tirs extérieurs. Jaren Jackson, en sixième homme, va ainsi réaliser un 5/10 à trois points, et Robinson va jouer les pivots passeurs avec sept balles décisives en plus des huit du meneur Avery Johnson.

 

  • Duncan contre un, deux, trois, ou quatre

 

Oui mais les Knicks ne comptent pas se faire endormir aussi facilement. Un peu comme le Thunder quinze ans après, ils ont la fougue comme moteur, et Latrell Sprewell dans un rôle comparable à celui de Russell Westbrook. À défaut de pouvoir passer à travers les tours jumelles, ils vont tenter leur chance à mi-distance et revenir à cinq unités de leur adversaire. Duncan va alors prendre les choses en main et inscrire trois paniers de suite. L'écart ne diminuera plus.

Beaucoup de spectateurs ont considéré pendant des années que le jeu des Spurs était ennuyeux, trop défensif, pas assez explosif. C'est surtout que San Antonio n'avait pas vraiment besoin de forcer les choses avec un joueur au tel arsenal. À six mètres face au cercle, baseline, en extension tête de raquette avec la planche, le numéro 21 est à la fois puissant et soigneux.

 

Le quatrième quart-temps est un résumé de la rencontre : New York pousse et compte sur des exploits mais ne peut tenir le rythme face à une défense aussi sérrée. En face, les joueurs de Gregg Popovich jouent patiemment chaque possession. Une action à quelques minutes du buzzer symbolise la domination de Duncan : il récupère le ballon dans la raquette adverse, entouré par quatre Knicks, décoche un tir, le manque mais parvient à prendre le rebond du bout des doigts pour un tip-in.

 

San Antonio conclue sa première victoire et on voit déjà se profiler le titre de MVP des Finales pour le sophomore : 33 points dont 13 sur 21 aux tirs, 16 rebonds, deux contres, deux interceptions en 44 minutes. Une entrée en matière impressionnante mais évidente, tant les fondamentaux de Tim Duncan sont déjà aboutis. Fatigué, diminué physiquement, ce sont ces mêmes bases qui lui permettent d'être encore à la tête des Spurs à 38 ans, capable de mener la dernière charge en overtime contre OKC. Tant qu'il pourra jouer, le roi des Îles Vierges ne sera jamais faible sur un parquet.