Je vous vois déjà venir : "il veut créer la polémique ; il n'a regardé aucun match des Clippers ; Portland n'a pas joué tous les gros ; Parker et Westbrook le dominent…". Eh bien non, j'ai bien vu Paul, TP, Westbrook et tous les autres meneurs jouer cette saison et c'est bien pour cela que j'affirme que Damian Lillard est actuellement le meilleur meneur de la NBA.
Dans ce basket moderne où le poste de meneur a tendance à disparaître au profit d'arrière explosif trop petit pour leur poste naturel, le Blazer évolue comme une sorte de joueur hybride. À la croisée entre un meneur à la fois insouciant et mature des années 70 et un monstre athlétique. La première qualité de Damian Lillard est son contrôle du ballon. Il dicte le tempo de son équipe : les Blazers accélèrent quand il le décide, place le jeu quand bon lui semble, alternent contre-attaque et transition selon ses humeurs… Le meneur impose son rythme à toute l'équipe et ça marche. En effet, l'effectif de Portland est cohérent : des joueurs physiques, polyvalents et altruistes, très forts à mi-distance et avec une adresse variée. À la baguette un meneur à l'effigie de l'équipe.
Damian Lillard est extrêmement mature, son jeu est déjà poli, son tir rodé, son dribble et sa vision sous contrôles. Loin d'être stéréotypé, le meneur des Blazers est capable d'attaquer de nombreuses façons différentes. Excellent à trois points lorsqu'il est en rythme sur son dribble, en transition, sur pick and roll ou sur un transfert il shoot à 43% longue distance. Dès qu'il entre dans le périmètre son jump shoot est fatal, ce qui le rend encore plus dangereux car en un contre un ou après un écran, il peut s'adapter à n'importe quelle situation. Son hésitation et son step back lui ouvrent d'énormes espaces, ses qualités physiques lui permettent de bien monter au panier en protégeant sa balle et finir dans le trafic avec beaucoup de toucher comme sur ses runes. Ses gestes techniques sont variés et pleins d'expérience pour un joueur qui n'a qu'une saison et demie dans les jambes.
Damian Lillard sent le jeu à merveille. Calme et serein dans ses passes, il transfère le ballon en anticipant les déplacements de l'aide, propose des feintes ultra efficaces et varie le style de passe. Il n'est pas étonnant de le voir faire des passes à terre, lobées, directes dans l'élan, en s'adaptant systématiquement à la défense.
- Le couteau suisse de l'Oregon
Mais l'arme de destruction massive de Damian Lillard, c'est son sens du pick and roll. Sa lecture du jeu est impressionnante ! Son tir en décalage, sa pénétration avec la bonne hésitation, sont d'une justesse stupéfiante. Le meneur a le don pour anticiper le type de défense sur sa prise d'écran et repère immédiatement la faille. Il évite systématiquement les prises à deux, sorties latérales du défenseur et contestations de déplacements. Un vrai calvaire pour l'équipe adverse. D'autant plus qu'il a le chic pour se décaler légèrement sur le côté, de quoi attirer les défenseurs, et de délivrer dans l'espace libre avec un parfait timing une petite passe en rythme, souvent avec un rebond, pour son intérieur qui peut soit tirer (Aldridge) soit monter instantanément au panier (Lopez).
Défensivement, Damian Lillard ne peut que progresser. Même s'il a tendance à parfois trop coller son joueur et autoriser l'axe, il dépense énormément d'énergie, bouscule son vis-à-vis et gène bien le tir et les passes grâce à sa grande allonge (2,03m). Sa défense sur spot up est redoutable, il est systématiquement dans la contestation sur pick and roll en passant toujours au-dessus de l'écran et en bumpant l'attaquant. À noter aussi que Portland n'hésite pas à défendre en zone 1-2-2 avec Lillard devant qui est en mesure de fournir beaucoup d'efforts, souvent intelligent en plus ! Dans les années à venir il progressera certainement pour mieux contrôler toute cette énergie pour conserver en lucidité au fur et à mesure de la rencontre.