Un Gasol peut en cacher un autre

Memphis s'était fait voler le meilleur joueur de son histoire en contrepartie de quelques joueurs secondaires, des tours de draft et les droits sur un certain Marc Gasol. Les Grizzlies ne pensaient sans doute pas que le benjamin de Pau deviendrait le pilier de leur meilleure génération.

Une monnaie d'échange pour son frère ainé. Marc Gasol n'avait même pas commencé sa carrière NBA qu'il était déjà une compensation pour que Pau rejoigne les Lakers. Un 48ème choix de draft envoyé dans le Tennessee pour un All-Star, bonjour le sentiment d’infériorité. Mais à défaut de rejoindre L.A en 2008, le rookie arrive dans une équipe avec un frontcourt limité à des pièces de rechange : le célèbre Darko Milicic, et Adonal Foyle, qui aura passé l'essentiel de sa carrière à contrer des ballons chez les Warriors qui n'avaient pas vraiment d'intérêt pour la défense. Alors Marc l'Espagnol est au moins sûr de pouvoir rapidement prendre le flambeau de son frangin chez les Grizzlies.

 

En plus, il connaît bien l'endroit, il est venu à Memphis au début des années 2000 pendant que Pau commençait sa carrière chez les pros. Deux ans de lycée américain qui l'ont forgé avant d'aller tâter le championnat espagnol à Barcelone, où il n'arrive pas à se faire une place. Heureusement, sa carrière est relancée grâce au Mondial 2006 pour lequel il est sélectionné suite à la blessure de Fran Vasquez, et où il décroche l'or au sein de l'effectif espagnol. Il reste bien sûr dans l'ombre du grand frère, meilleur joueur du tournoi, mais son physique imposant (2m13, 120 kg) lui donne sa première notoriété internationale. En finale, il doit même prendre la place de Pau, blessé. Une transmission impromptue qu'il revit deux ans plus tard outre-Atlantique.

Le grand barbu discret colle bien avec l'identité des Grizzlies. La franchise est en pleine reconstruction et Marc y prend directement ses responsabilités : 11.9 points, 7.4 rebonds et 53% d'adresse aux tirs en tant que pivot titulaire. Memphis vit une saison difficile mais peut s'enorgueillir d'avoir un rookie solide à l'intérieur, bon défenseur, mais aussi très habile en attaque, avec une variété de shoots et un bon jeu de passes. L'équipe a plusieurs pièces intéressantes (Mike Conley notamment), mais se focalise surtout sur les instincts de shoot de Rudy Gay et O.J Mayo. Il lui faut un système plus cohérent et un joueur pour l'incarner : ça tombe bien, le nouveau coach Lionel Hollins et le vétéran Zach Randolph débarquent à l'intersaison.

 

De son coté, Marc a perdu plus de 30 kilos depuis son arrivée et apparaît nettement plus rapide sur le parquet. Il est plus mobile, a plus de détente, et son rôle grandit. Ses stats sont toute en hausse lors de la saison 2009-10 : 14.6 points, 9.3 rebonds, 1.6 contres. En plus de son talent en défense, Gasol est déterminant en attaque. Les Grizzlies ratent les play-offs de peu mais sont sur une pente ascendante.

 

Le petit frère commence à se faire un nom dans la ligue alors même que son ainé remporte son deuxième titre NBA. À mesure que son équipe progresse, Marc en devient clairement le grand frère, un coéquipier sympa que les autres aiment suivre. 2011 est une année charnière puisque Memphis redécouvre la postseason et prend par surprise les Spurs avant de se battre jusqu'au Game 7 avec le Thunder. Les Grizz ne lâchent rien, ils sont solides, avec une défense ultra serrée incarnée par un effrayant frontcourt et une bande de sangsues nommées Tony Allen et Mike Conley. Ils deviennent l'épouvantail que personne ne veut affronter, un effectif soudé avec du caractère, et au milieu une tour de contrôle à la fois puissante et élégante.

L'homme qui n'aurait peut-être jamais quitté le banc des Lakers ne semble plus arrêter son ascension. Son jeu devient de plus en plus complet, avec un hook shot ultra métrisé qui déstabilise les défenses adverses. Efficace et beau à voir jouer, Gasol n°2 accède au statut d'All-Star en 2012. Alors qu'O.J Mayo puis Rudy Gay partent pour d'autres contrées, le système s'oriente clairement autour de Randolph et « Big Spain ». Même avec un effectif réduit et une grosse faiblesse à trois points, Memphis parvient à remporter 56 matchs la saison suivante, grâce à la meilleure défense de la ligue (89.3 points encaissés par match). Marc reçoit logiquement le titre de Défenseur de l'année et est choisi parmi la All-NBA Second Team. Il prend même une nouvelle envergure lors des play-offs (17.2 points, 8.5 rebonds, 2.2 contres, 3.2 passes, 2.1 win shares en 15 rencontres) où les Grizzlies atteignent les Finales de Conférence.

 

Chaque année, il devient de plus en plus indispensable à l'équipe et le dernier exercice l'a montré. Parée pour la postseason, l'équipe rame lors du premier mois de compétition (7-5) et perd carrément les pédales quand Marc Gasol se blesse fin novembre (14 défaites lors des 24 absences du pivot). Une fois revenu mi-janvier, Memphis cravache pour rattraper le top 8 à l'Ouest et y parvient miraculeusement lors de la dernière semaine de la saison régulière. Où s'arrêtera la progression de l'Espagnol de 29 ans ? Comme il le dit, Marc Gasol a grandi à Memphis, et si son contrat actuel s'achève en 2015, on le voit mal quitter le Tennessee. Si le front office continue de compter sur lui, il pourrait passer sa carrière ici. Qui sait, peut-être un jour son maillot sera accroché dans l’enceinte des Grizzlies. Avant celui de son frère.