It was Wroten

Brett Brown ne tergiverse pas lorsqu'il évoque le projet de la franchise à court terme. Les Sixers version 2014/2015 restent un laboratoire au sein duquel le coaching staff envisage de tester plusieurs cobayes. Il y aura des loupés mais l'une des expériences actuelles semble porter ses fruits, cette dernière porte un nom : Wroten 's experience.

Wroten 's experience. C'est le projet fou dans lequel se sont lancés les Sixers. À la tête de cette expérience farfelue, se cache le coach Brett Brown, convaincu que son cobaye Tony Wroten fera de la franchise de Philadelphie une équipe compétitive à court terme. S'il y a de quoi être sceptiques, cette expérience semble porter ses fruits en ce début de saison. En effet, le combo guard fait beaucoup de choses sur le terrain, beaucoup trop de choses même ! Au sein de cette faible équipe des Sixers, Tony Wroten fait office de leader, une étiquette qui n'est pas forcément glorifiante... Cependant, en face de lui, il n'y a pas que des looser d'où l'intérêt de notifier le bon début de saison de Wroten. Positionner meneur de jeu en l'absence de MCW, Wroten est un joueur extrêmement agressif, porté vers le panier comme l'illustrent ses 72 tentatives aux shoots, sur 118, entreprises près du cercle. La lay-up reste son shoot de prédilection. Le leader offensif de ces jeunes Sixers a du feu dans les jambes et avec sa main gauche, il va très souvent au contact des intérieurs adverses. Il déborde d'énergie et c'est d'ailleurs sans surprise qu'on le retrouve dans le top 5 des joueurs ayant perdu le plus de ballons (4,4) juste derrière Stephen Curry, mais aussi dans le top 5 des joueurs ayant volé le plus de ballons... Toujours derrière l'inévtable meneur des Warriors, avec 2,7 interceptions par match.

Difficile de blâmer ce joueur, son activité et son envie demeurent extrêmement communicatives et l'exonèrent de ce trop-plein de pertes de balle. Les 76ers savent pertinemment qu'ils sont condamnés à jouer les derniers rôles cette saison mais démontrent malgré tout de l'enthousiasme et une dynamique "rafraichissante" incarnée notamment par Wroten et ses 21,9 points de moyenne.

L'energizer du Wells Fargo Center est un joueur très entreprenant - 80 % de ses initiatives se font entre 0 et 15 secondes - mais Brett Brown souhaite le faire progresser dans d'autres secteurs de jeu :

"Il a un don pour se projeter vers le cercle, une mentalité de pitbull. Il mesure 1,98m, pèse 93kg et peut dunker sur les autres joueurs. Imaginez la combinaison que vous pouvez obtenir si vous parvenez à le faire progresser en périphérie. Nous sommes durs avec lui, et nous lui faisons comprendre clairement. Nous n'y allons pas avec le dos de la cuillère."

Le harcèlement du coaching staff semble porter ses fruits, tout comme le travail effectué dans ce secteur durant l'intersaison. Wroten a inscrit 12 de ses 33 tentatives longue distance, soit 36,4 % à 3 points (contre 21,3 % la saison passée). D'ailleurs, en tant qu'organisation, les Sixers développent une politique assez particulière du point de vue de la sélection des shoots. Toutes les tentatives des joueurs à l'entraînement sont suivies et surveillées. Si un joueur fait les efforts pour améliorer son shoot extérieur à l'entraînement, il est autorisé à les tenter en match, de son propre chef. Une pédagogie soutenue par Brett Brown :

"C'est un partenariat. Si vous prenez le temps de travailler et de faire les efforts, vous avez le privilège de prendre des shoots à 3 points librement, et ce même si votre pourcentage prétend le contraire."

Un système qui n'aurait bien évidemment pas fonctionné avec Allen Iverson ! Mais qui illustre parfaitement l'absence de pression du résultat côté Sixers. Wroten, quant à lui, respecte à la lettre le système instauré par le coaching staff ! Son shot chart est tout bonnement hallucinant ! Quasiment aucune tentative à mi-distance, à croire que la zone située entre l'arc et la peinture demeure infestée de mines !


 

"Je suis simplement un gars qui attaque. Parfois, je vais trop vite ou j'essaye de réaliser des home run."

En effet... Et ce n'est donc pas une surprise de le voir provoquer un grand nombre de fautes adverses et dominer la ligue au niveau du nombre de points inscrits en pénétration grâce notamment à une excellente maîtrise de l'euro step (et de sa main gauche... Les gauchers savent). Un vrai feu follet qui pourrait d'ailleurs talonner Artis Gilmore pour le record de pertes de balle sur une saison - Gilmore totalisa 366 turnovers lors de la saison 1977-78. Une situation qui n'affecte pas Brown bien au contraire, le head coach des Sixers fait preuve d'indulgence et de compréhension :

"Vous pouvez considérer les bonnes et les mauvaises pertes de balle selon moi. Parfois, c'est frustrant. Vous souhaitez encourager vos jeunes gars à jouer librement et à être toujours portés vers l'offensive. Je veux instaurer cet environnement. Je me fiche du bilan de victoires et de défaites. Mais en tant que coach, vous avez bien conscience de l'importance de prendre soin de la possession [...] Notre meneur de jeu remplaçant à San Antonio étaient Jacques Vaughn, Steve Kerr et même Beno Udrih, c'est plus des meneurs de jeu naturel. Wroten ce n'est pas ce genre de joueur. Mais il travaille pour le devenir. Ce côté "sauvage" qu'il a en lui nous stimule. Peut-être que nous pouvons exploiter au mieux ce côté, le policer, et faire de lui un joueur vraiment talentueux. Il ne me rappelle pas quelqu'un que j'ai pu entraîner à San Antonio. Il représente l'un des challenges les plus difficiles que j'ai pu avoir en tant que coach. Je veux dire, dans le bon sens du terme, la plupart du temps et plus particulièrement cette saison. Je n'aurai pas dit même chose la saison dernière. Mais j'ai vu une évolution, j'ai vu de la lumière au bout du tunnel. Je vois un joueur bienveillant qui a le souhait de devenir meilleur. "

Tony Wroten évolue dans un contexte où il peut exprimer toutes ses qualités et tous ses défauts. Cette saison, et sans doute les suivantes, front-office de laboratoire au sein duquel ces jeunes joueurs vont pouvoir s'aguerrir en toute quiétude. Brown n'est pas le seul à constater les progrès de Tony Wroten, Carter-Williams les souligne également :

"Tony a fait de gros progrès depuis la saison passée. Clairement, son shoot s'est amélioré. Il attaque le cercle à peu près quand il veut. Nous avons tous les deux besoin de passer au niveau supérieur sur le plan défensif et bien jouer ensemble. Je pense que nous allons être davantage associés cette saison. C'est ce que nous espérons. Je pense que nous pouvons être très bons en défense et ainsi favoriser le jeu en contre-attaque. Nous sommes faits pour jouer ensemble."

Leur association ne va sans doute pas donner lieu à beaucoup de victoires, il ne faut pas se voiler la face, le discours de Brett Brown ne fait aucun doute. Philadelphie reste un énorme chantier et malgré la stratégie patiente envisagée par le front-office, il va petit à petit falloir obtenir des certitudes afin d'affiner progressivement le projet de la franchise. Ainsi, l'émergence d'un Tony Wroten aux côtés de Michael Carter-Williams peut constituer une victoire en soi !