Sam Bowie, la mauvaise pioche du grand buffet ?

Sam Bowie, la mauvaise pioche du grand buffet ?

Derrière Olajuwon mais devant Jordan à la draft de 1984, Sam Bowie restera dans l'Histoire comme le vilain petit canard que Portland n'aurait jamais du choisir. La malchance d'être bien entouré...

Anniversaire oblige, on a entendu parlé pendant des mois de la draft 1984, celle dont on dit qu'elle était la meilleure avec quatre Hall of Famers (Olajuwon en #1, Jordan en #3, Barkley en #5, Stockton en #16) mais aussi des joueurs avec de belles et longues carrières comme Sam Perkins, Otis Thorpe ou Jerome Kersey.Et pour expliquer comment son altesse Jordan n'a pu être sélectionné que troisième, il faut revenir sur celui qui l'a précédé, le vilain Sam Bowie qui s'est retrouvé dans la lumière au mauvais moment. Mais ce n'était pourtant pas une erreur à l'époque.

  • All-American, Olympien, All-Rookie...

Sam était une star depuis le lycée. Physique imposant et athlétique, bon défenseur, Bowie avait eu une belle carrière universitaire à Kentucky, avec un Final Four perdu contre Georgetown en dernière année. Le grand Sam avait d'ailleurs été sélectionné dans le deuxième meilleur cinq de la NCAA. Auparavant, il avait déjà été choisi dans l'équipe olympique de 1980 (celle du boycott des J.O de Moscou). Un jeune joueur puissant, polyvalent et expérimenté avec un mental d'acier : un choix sérieux pour beaucoup de franchises.

 

Lors de la draft, après les Rockets qui n'avaient d'yeux que pour le géant local Akeem Olajuwon, se plaçaient les Taril Blazers et les Bulls. Portland avait besoin d'un intérieur dans une équipe déjà construite et qui venait de finir l'exercice 1983-84 avec une défaite au premier tour après une jolie saison régulière (48-34, troisième à l'Ouest), Chicago était un terrain vague qui rêvait d'un joueur ultra complet autour duquel construire enfin quelque chose. Bowie en #2 ? Presque logique.

 

Avant la saison 1984-85, les Blazers avaient déjà un intérieur solide mais vieillissant en la personne de Mychal Thompson, un shooting guard élégant sur le point d'exploser avec Clyde Drexler, et venaient de prendre à Denver l'ailier All-Star Kiki Vandeweghe. Bowie allait donc être le sixième homme de la rotation, souvent titulaire mais avec un rôle limité sur le parquet. Pourtant, il signe une belle saison avec une moyenne de dix points, 8.6 rebonds et surtout 2.7 contres, qui lui permet d'être nommé parmi les cinq meilleurs rookies de la ligue. Sam est parti pour réussir, du moins si sa jambe droite tient le coup.

  • Blessure récurrente

Lui qui s'était fait un nom sur son physique de géant (déjà 2m13 au lycée, de quoi attirer l'oeil des universités de tout le pays), traîne en effet un fardeau. Une jambe droite blessée lors d'un match avec Kentucky avec 1981 après une chute spectaculaire et qui lui a coûté deux ans d'absence. Pour revenir et retrouver la confiance des scouts NBA, il a du resigner pour une cinquième année chez les Wildcats. Le sophomore qu'on imaginait déjà parmi les pros est devenu un senior diminué qui voit Ralph Sampson, Dominique Wilkins ou Isiah Thomas entrer dans la ligue sans lui.

 

Bowie s'est battu pour revenir, a pris du muscle. Le corps n'est pas à 100 % mais le moral et l'envie sont bien là. De quoi atteindre le dernier carré du championnat universitaire puis de se faire un trou parmi une équipe de play-offs. En octobre 1985, Jordan se blesse et va rater toute la saison en cours. À ce moment, les rôles sont inversés et c'est l'avenir du Bull qui inquiète. Mais Sam ne peut sauver les apparences éternellement et le scenario catastrophe va se jouer à nouveau à Portland. Sur une banale bataille pour le ballon sous le panneau, Jerome Kersey tombe sur son coéquipier Bowie qui est incapable de se relever. Le tibia gauche est atteint et sa deuxième saison est finie. Il revient l'année d'après, et c'est cette fois le tibia droit qui est touché. 51 semaines d'absence.

 

En l'espace de quatre ans, Bowie va ouvrir le chemin des très longues convalescences pour Grant Hill et ne jouer que 63 matchs de saison régulière, avec seulement cinq rencontres en 1986-87 et aucune l'année suivante. Jordan fait ce qu'il veut des défenses adverses et les fans des Blazers commencent maintenant à fantasmer sur une opportunité ratée et montrent une certaine rancoeur envers leur joueur.

 

Et MJ va en jouer : Sam Bowie revient en 1989 mais est transféré chez les Nets pour Buck Williams, qui va être un élément important des deux Finales jouées par l'équipe de l'Oregon en 1990, puis en 1992 contre... les Bulls où Air Jordan se fait un plaisir de détruire ceux qui ne l'ont pas choisi. Après son deuxième titre, il remerciera la ville de Chicago de l'avoir pris à la place de Portland.

 

Le mal est fait et irrattrapable : Bowie aura beau réaliser trois saisons potables dans le New Jersey (12.8 points, 8.2 rebonds), on ne cesse de le comparer au légendaire 23. Il est envoyé chez les Lakers en 1993 et montre encore de beaux restes, au point que le GM Mitch Kupchak lui propose une extension. Mais à 33 ans il ne peut plus tirer sur la corde. Cela fait dix ans qu'il prend des risques, tout ça pour être moqué, méprisé. Il n'a plus besoin de la NBA et retourne dans le Kentucky.

 

Avec le recul, Bowie ne méritait pas d'être sélectionné en deuxième place, mais on en lui tiendrait pas autant rigueur si ce n'était pour la légende de Michael Jeffrey Jordan. Là où quelques années plus tard, beaucoup de sélectionnés choisis trop tôt se sont révélés de véritables busts qui ont une carrière pire qu'éphèmère (la faute à une tendance à drafter des lycéens et des européens méconnus en pensant trouver des diamants bruts), Bowie aurait très bien pu avoir un parcours plus que correct en NBA, mais les blessures et la pression de sortir d'une grande promo en ont fait un loser historique. Alors imaginez les Blazers avec Greg Oden en 1984.